jeudi 25 mars 2010

Kadhafi veut se réconcilier avec ses islamistes



Kadhafi veut se réconcilier avec ses islamistes
Par Tanguy Berthemet
25/03/2010 | Mise à jour : 09:47 Réagir

Le fils du guide libyen a annoncé la libération de trois chefs djihadistes et de deux cents militants.

Le régime libyen est décidé à pardonner à ses islamistes. Tripoli a annoncé mardi soir la libération de 214 militants de la cause djihadiste dont certains étaient incarcérés depuis plus de dix ans.

«C'est un moment historique», a affirmé Seif al-Islam, le fils de Mouammar Kadhafi, à l'origine de cet élargissement de masse des membres du Groupe islamique des combattants libyens (Gicl). Ce mouvement, un temps rallié à al-Qaida, fut très actif dans les années 1990. À ses côtés, en guise de symbole, s'affichaient Abdelhakim Belhaj, l'émir du Gicl, Khaled Chrif, son chef militaire, et Sami Saadi, l'idéologue, tous fraîchement libérés.

Cette ouverture est le point d'orgue de la politique de «réconciliation nationale» voulue par Seif al-Islam. «L'idée vient de l'Algérie qui a démontré qu'une telle mesure est possible sans apporter de changement au régime», souligne Luis Martinez, directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri).


Abandon de la lutte armée
Lancé il y a quatre ans, le «dialogue» s'est accéléré il y a six mois avec la libération de quelques dizaines de seconds couteaux puis par la fermeture de la prison d'Abou Salim où un millier de djihadistes avaient été abattus en juin 1996.

«La mesure est aussi le signe que la menace islamiste en Libye est moins évidente qu'il y a quelques années. On sait que beaucoup de radicaux libyens sont partis combattre en Irak, via l'Égypte», rappelle Sophie Pommier, directrice de Méroé, un cabinet de consultant spécialisé sur le monde arabe. Le retour des islamistes prend aussi sa place dans le complexe jeu politique libyen. Chef du camp réformateur et héritier putatif de son père, Seif al-Islam entend utiliser ces nouveaux soutiens contre les barons du régime. «Il cherche à élargir sa base avec des nationalistes et des islamistes consensuels pour contenir les tenants d'un islam radical et la vieille garde révolutionnaire et proche de Moscou», insiste Luis Martinez. Ces derniers ne pardonnent pas au fils du guide le rapprochement avec les États-Unis pour rompre l'isolement diplomatique de la Libye.

Reste que, selon des ONG spécialisées dans la défense des droits de l'homme, nombre de militants demeurent emprisonnés illégalement. Seif al-Islam a assuré que 409 prisonniers toujours détenus retrouveront «prochainement» la liberté. L'ouverture des portes dépend sans doute de leur capacité à abjurer leurs erreurs passées.

Depuis leurs prisons, avant leur libération, les trois chefs de Gicl avaient publié un long ouvrage où ils annoncent renoncer à la lutte armée et demande aux jeunes de se détourner de la violence.

Un «coup terrible» pour al-Qaida analyse Jean-Pierre Filiu, professeur Sciences Po. «Ce livre, très argumenté, coupe al-Qaida du seul groupe djihadiste digne de ce nom ayant rallié sa cause et qui lui a apporté beaucoup d'intellectuels.»

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Par Tanguy Berthemet

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