dimanche 28 février 2010

L’Europe finance l’Aqmi à coups de millions d’euros


Mohamed BOUFATAH—L’Expression -28-02-10
Enjeux et jeux troubles au Sahel : Al Qaîda rebondit et renfloue ses caisses
dimanche 28 février 2010

L’Europe finance l’Aqmi à coups de millions d’euros
Aqmi, la branche d’Al Qaîda au Maghreb, est le maillon fort dans les finances de l’organisation transnationale de Ben Laden. Le Sahel transformé en bunker lui rapporte des millions de dollars. Aqmi s’est mué ou reconverti en véritable organisation du crime organisé, estiment les observateurs.

Aqmi, composée de Maghrébins, Subsahariens et d’autres Africains « s’est spécialisée, dans la zone sahélo-saharienne, dans l’appui logistique aux trafiquants de drogue et de clandestins, et dans le kidnapping de touristes occidentaux, qui lui ont rapporté des millions de dollars », reconnaît la spécialiste du financement du terrorisme.

Les attaques exécutées sous la houlette d’Al Qaîda, depuis le 11 septembre 2001, indique l’auteur de l’ouvrage (Terror Iconporated) « sont financées localement, la plupart du temps, par des activités criminelles. Leurs auteurs ne reçoivent plus d’argent d’Al Qaîda central...Ils n’en ont pas besoin ». Paradoxalement, le sauvetage inespéré d’Aqmi est intervenu au moment où ses groupes, aux confins du Sahara, étaient totalement en déroute et sujet au tiraillements internes.

Laminé, sur les plans financier et médiatique, hautement stratégiques, Aqmi a rebondi justement grâce aux négociations et rançons versées par l’Espagne et la France. Illustrant ce renflouement de caisses qui n’a pas livré tous ses tenants et aboutissants, certaines informations n’ont pas écarté le versement de la rançon par la France pour les ravisseurs de Pierre Camatte, séquestré par le groupe de Abdelhamid Abou Zeïd, responsable de l’assassinat en juin 2009 d’un touriste britannique, l’otage Edwin Dyer. Contrairement à la Grande-Bretagne, la France a cédé au chantage d’Al Qaîda, et l’Espagne est dans la même logique.

Dans ce contexte de jeux troubles, les dernières informations publiées dans la presse espagnole font état du paiement de plus de 5 millions de dollars aux terroristes d’Aqmi par le biais d’un chef touareg. L’affaire aurait été conclue fin janvier entre l’Espagne et un intermédiaire avec les autorités maliennes. Ce montant a été même confirmé par un membre du gouvernement, selon la même source.

Encourageant et rétribuant les forfaits de ces groupes agissant sous la bannière d’Al Qaîda, la libération des terroristes accentue inexorablement la menace sur la paix et la stabilité dans toute la région. Riche en uranium, en or, en pétrole et en gaz, la bande sahélo-saharienne est au coeur de toutes les convoitises. Mais aussi, de tous les enjeux.

Quoi qu’il en soit, à ce rythme, les 5 otages européens toujours détenus dans le désert malien : trois Espagnols et un couple d’Italiens, rapporteront forcément gros à Aqmi. Désormais, il sera question de grands camps d’entraînement, de frais de voyage et de séjours remboursés, d’opérations planifiées des années à l’avance, de cours de pilotage aux Etats-Unis pour apprentis-kamikazes.

La révélation fracassante sur la vraie fonction de l’otage français par le coordinateur national du renseignement à la présidence de la République française, Bernard Bajolet est troublante. L’agent de la Dgse (services de renseignement extérieurs français), Pierre Camatte, aurait été parmi les agents du renseignement français détenus otages un peu partout dans le monde. On comprend mieux pourquoi la France a fait le troc en faisant fi des normes internationales en matière de lutte antiterroriste commune.

A la lumière de l’issue de cette affaire, la finalité assignée à la mission de cet agent agissant sous couvert d’humanitaire est digne d’un scénario inavoué. Par ailleurs, ses soutiens financiers traditionnels sous surveillance, démotivés ou touchés par la crise, Al Qaîda a des problèmes de fin de mois mais reste dangereuse, estiment experts et analystes. Cela incite le coeur du réseau fondé par Oussama Ben Laden, occupé à organiser et financer sa survie, à s’en remettre à des partenaires extérieurs, qu’il connaît parfois à peine, pour l’organisation d’attaques et d’attentats contre ses cibles traditionnelles, ajoutent-ils.

Les dons et la sympathie en leur faveur ont considérablement décru, ajoute l’ancien chef de la branche antiterroriste du Britannique M.Barrett. Les flux financiers dans les pays du Golfe et en Asie du Sud sont désormais passés au crible de plusieurs organismes internationaux, dont le Financial Action Task Force, émanation du G7 qui regroupe aujourd’hui plus de 175 pays.

Mohamed BOUFATAH

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