mercredi 24 février 2010

Lettre au Chef de l’État du Niger Monsieur le Président,

Lettre au Chef de l’État du Niger Monsieur le Président,
Idées & Opinions
Mercredi, 24 Février 2010 07:17


Vous avez pris en main depuis peu les destinées d’un pays durement meurtri par l’action de l’homme. Vous succédez à un homme qui, des hauteurs où il le peuple nigérien l’avait placé, a précipité ce que ce peuple avait de plus cher dans les abîmes de l’Histoire. Choisi par la Providence et guidé par elle, vous avez su arrêter le déclin amorcé en ce triste jour du 4 août 2009. Les patriotes de l’intérieur, les patriotes de l’extérieur vous en savent gré, n’en déplaise à ceux qui font plus de cas des principes mondains que de la vie des peuples martyrisés.
Le patriote en moi ne dissimule point sa satisfaction, ni le démocrate sa joie, au moment où s’achève l’imposture que le pays a enduré. Ils n’ont pas résisté à la liberté de prendre la parole. Mais, en la prenant, ils s’adressent à vous non pas en hommes de parti, mais en hommes n’ayant d’autre parti que le Niger. Vous leur permettez donc, Monsieur le Président, d’exprimer humblement les pensées et les attentes d’un grand nombre de vos compatriotes.
De la mission que vous vous êtes donnée, l’objectif premier concerne l’assainissement de la situation politique du Niger. Objectif ne pouvait être mieux fixé, parce que d’une part, de toutes les calamités dont le Niger a souffert, le jeu politique s’est montré le plus pernicieux, parce que d’autre part, les Nigériens dépouillés, leurrés, nargués, appelaient de leurs vœux la fin des querelles politiciennes intermittentes, et le pillage endémique du patrimoine national.
Monsieur le Président, si l’aseptisation que vous annoncez vise la politique en général, elle doit concerner tout particulièrement les hommes et les femmes qui sont entrés en politique non pas pour servir leur peuple, mais pour se servir à son détriment. L’assainissement de la situation politique du Niger appelle donc la fin de l’impunité et la restitution à l’État de ce qui appartient à l’État.
Excellence, la démocratie à la restauration de laquelle vous entendez œuvrer est un mouvement irréversible et irrépressible, mais non linéaire. Dans les pays où elle s’est établie de longue date, les hommes ont oublié les flux et reflux qui ont parsemé son parcours. Dans nos pays où elle est encore à ses balbutiements, les hommes, pour paraître de leur temps, se contentent de son simulacre. Dans aucun pays, à aucune époque la démocratie ne s’est construite en quelques décades. C’est un mouvement de fond qui, pour atteindre ses fins, charrie dans un même élan ce qui lui est favorable et ce qui semble lui être défavorable.
Excellence, en ces moments solennels, je m’en voudrais de ne pas évoquer les mots d’un grand ami de la démocratie : « Partout, dit-il, on a vu les divers incidents de la vie des peuples tourner au profit de la démocratie; tous les hommes l’on aidée de leurs efforts : ceux qui avaient en vue de concourir à ses succès et ceux qui ne songeaient point à la servir; ceux qui ont combattu pour elle, et ceux mêmes qui ses ont déclarés ses ennemis » Le coup d’État du 18 février appartient à la catégorie des incidents qui servent la démocratie. Et, il a fallu que les ennemis de la démocratie œuvrent contre elle, pour que vous formiez le dessein de la restaurer.
En l’occurrence, la restauration de la démocratie gagnerait à prêter une attention toute particulière aux fondations. Je crois en effet que les institutions sont à la démocratie ce que les fondations sont à un édifice. De la même manière que des fondations solides contribuent à l’équilibre de l’édifice, des institutions fortes concourent à la stabilité de la démocratie. Et si je devais m’attarder sur cette analogie, je dirais, Monsieur le Président, que si les édifices se rencontrent aux quatre coins du monde, si dans leur construction entrent des matériaux divers, ils ne peuvent remplacer les édifices construits chez nous, avec des matériaux de chez nous. Au demeurant, plus les institutions que vous mettrez en place pour soutenir notre démocratie s’adapteront à l’environnement et aux conditions dans lesquels vivent les Nigériens, mieux elles assureront leurs fonctions. Je ne crois pas me tromper, en affirmant que si ces institutions et les lois que vous adopterez favorisent la liberté et l’égalisation des conditions sociales, alors elles concourront à la réconciliation des Nigériens.
Excellence, on a déjà dit que la valeur n’attend point le nombre des années, j’ajoute : la grandeur aussi. Il vous appartient d’accepter ou de refuser de marcher sur le chemin de la grandeur que l’Histoire ouvre devant vous.
Puisse le Niger qui aspire à briller au sein des nations paisibles et prospères, connaître le bon départ sous votre gouvernement éclairé.
Farmo Moumouni

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