samedi 19 décembre 2009

Le Niger et l’uranium, suite (et peut-être fin ?)

Dominique Hennequin, Télérama.fr 19-12-09Souvenez-vous : la semaine dernière, nous vous faisions part de la grosse colère d’Areva contre Dominique Hennequin, auteur d’“Uranium, l’héritage empoisonné”, excellente enquête diffusée sur Public Sénat. La firme s’insurgeait notamment contre les commentaires du réalisateur sur les conditions de tournage, publiés dans “Télérama”. Dominique Hennequin réagit à son tour à ces accusations.

La semaine dernière, nous relations dans un blog télé la virulente réaction d’Areva à une enquête diffusée par Public Sénat, Uranium, l’héritage empoisonné. Dans sa lettre, Jacques-Emmanuel Saulnier, directeur de la communication de la multinationale, mettait particulièrement en cause des propos du réalisateur parus dans Télérama et lui annonçait qu’un refus serait opposé à toute nouvelle sollicitation. Dominique Hennequin, de retour d’un tournage en Afrique, nous a transmis sa propre réponse au porte-parole d’Areva.

« Monsieur,

Je vous réponds un peu tardivement au retour d’un tournage à l’étranger, vous voudrez bien m’en excuser.

Je comprends que comparer Areva à la Corée du Nord soit excessif. Areva n’est pas une dictature communiste et Madame Lauvergeon n’est bien sûr pas Kim Jong-Il. Ce que j’exprimais alors concernait le contexte du tournage qui me rappelait celui rencontré lors d’un reportage dans ce pays. J’ai ressenti les mêmes sensations en Irak sous Saddam Hussein et dans tous les lieux fermés au monde extérieur.

Tout d’abord, il y a eu la difficulté de se rendre à Arlit, au Niger. « Areva ouvre ses portes à qui veut s’y rendre » (Anne Lauvergeon sur Europe 1) mais au prix de combien de négociations et d’insistance ? Comme vous le rappelez, il aura fallu six mois. Six mois d’appels quasi quotidiens pour obtenir ce fameux sésame et pour que vous teniez votre promesse renouvelée le jour de la signature des observatoires de la santé.

Le tournage ensuite n’a pas été aussi libre et aussi simple que vous l’exprimez. La visite de la mine souterraine d’Akokan n’était pas au programme, malgré notre demande, et nous avons dû insister lourdement pour pouvoir nous y rendre. Chacun de nos pas était accompagné. La circulation dans Arlit afin de réaliser des images était réduite au minimum, ce qui rendait toute investigation dans la cité impossible. La rencontre avec la société civile à laquelle ne devait soi-disant pas assister Areva comportait dans son assemblée un adjoint de Monsieur Souley [directeur de la communication d’Areva au Niger, NDLR] venu écouter ce que nous échangions.

Enfin, il y a cette langue de bois générale, à l’exemple des médecins rencontrés dans les hôpitaux de la ville, qui nient toute pathologie liée à l’activité des mines alors que les exemples se multiplient et que la pollution du site est une réalité maintes fois prouvée. Ce discours officiel semble nier la réalité jusqu’à l’absurde.

Il y a donc un grand décalage entre la « transparence » prônée par votre communication et la réalité que j’ai vécue avec Pascal Lorent sur le terrain. En cela, Areva se comporte dans la méthode (j’écris bien dans la méthode) comme la Corée du Nord ou tout système fermé au monde extérieur.

Vous êtes un communicant de grand talent et les membres de votre équipe (Julien Duperray et Moussa Souley que je remercie pour leur accueil) le sont tout autant. Il serait formidable que vous mettiez ce talent au service de la vérité et qu’Areva assume enfin son passé et la réalité des risques de son industrie. C’est pour moi une question de vraie transparence et de démocratie.

Je regrette d’être ainsi banni de tout accès à vos services car j’aimerais savoir ce que vous ferez d’Imouraren [mine d’Areva au Niger, NDLR] et constater si vos actes de demain seront en accord avec votre communication d’aujourd’hui. Mais en cela aussi, votre méthode ressemble à d’autres régimes visités. »

Dominique Hennequin

Télérama.fr 19-12-09

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