lundi 16 novembre 2009

La CEDEAO aboie, Tandja passe




A l’école de la démocratie, n’ayons pas peur des mots, le Niger du colonel Mamadou Tandja fait, hélas, figure de piètre élève. Et dix longues années passées sur les bancs de l’Etat de droit n’auront pas suffi à enterrer le pouvoir "kaki", qui y règne à jamais à coups de décrets.


La mue n’a point réussi, et ce Niger-là, si fertile en leaders politiques de haut vol, est en train de sombrer depuis que le président Mamadou Tandja, après l’expiration constitutionnelle et réglementaire de son mandat de dix ans, a décidé de s’arroger un bonus de trois années supplémentaires pour "achever ses chantiers".

L’on peut bien louer son patriotisme et son dévouement à la cause nationale, mais là, la pilule ne peut passer, surtout que, entre-temps, la manne minière a jailli des tréfonds d’Imourarem, provoquant la ruée vers le précieux uranium et suscitant bien des appétits.

L’opposition, toutes les forces vives et la communauté internationale n’étaient-elles pas dans leur rôle en criant haro sur le baudet, qui, contre vents et marées, a choisi de changer les règles du jeu démocratique ? Peine perdue. Et le Niger nouveau de Tandja est aujourd’hui sur les cendres d’une IVe République proprement violée à travers l’historique tripatouillage constitutionnel et la dissolution du Parlement, sanctionnés aussi bien sur les rives du fleuve Niger qu’au-delà des océans par une pluie d’indignations et de protestations.

L’illustre sourd du Ténéré ignorera royalement tous ces appels au respect du jeu démocratique, imposant son référendum constitutionnel le 4 août, suivi d’élections législatives, taillées sur mesure, mais boycottées par les ténors de la scène politique le 20 octobre, dont lui et son parti, le Mouvement national pour la société de développement (MNSD), sortirent naturellement vainqueurs, obtenant 76 sièges sur 113. Résultats validés ce 10 novembre par la Cour constitutionnelle pendant que, même au-delà des frontières nigériennes, se poursuit la chasse aux sorcières.

Mais il n’aura pas fallu plus que les sanctions économiques de l’Union européenne, le rappel à l’ordre par l’Union africaine, et sa suspension par la CEDEAO pour que le maître de Niamey se résolve à desserrer les dents et consente à dialoguer avec ses redoutables et indécrottables opposants, dans la perspective d’une sortie de crise et d’un éventuel retour à l’ordre constitutionnel, sous la médiation de l’ex-président Abdul Salami Abubakar, mandaté par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Rien que le courroux et la fermeté du puissant voisin firent l’effet d’une bombe qui ébranla le secteur économique nigérien.

Instruits par les effets dramatiques de la fermeture intempestive de sa frontière par l’ogre nigérian en effet, Tandja, pourtant si imbu de sa personnalité, ne se fera pas prier pour envoyer ses disciples en pèlerinage à Abuja, y précédant donc la forte délégation de l’opposition, conduite par l’ancien chef de l’Etat et ancien président du Parlement, Mahamane Ousmane ; l’ex-Premier ministre Hama Amadou ; et le principal opposant, Mahamadou Issoufou, tous deux gibier préféré de la nouvelle dictature nigérienne.

Maintenant que les fils du dialogue viennent d’être noués, qu’attendre de l’imperturbable Tandja, dont le souci premier après la validation des résultats du scrutin législatif du 20 octobre, était d’asseoir sa cour ce week-end, comme s’il n’était pas l’alpha et l’oméga de cette crise qui intègre son Niger dans le cercle peu enviable des Etats comateux du continent ?

Mais officier supérieur qu’il est, il ne devrait pas rester éternellement sourd à la grogne qui commence à monter au sein de la légendaire Grande Muette et que tente péniblement de calmer le chef d’état-major des armées, le général de division Boureima Moumouni, qui est monté au créneau ce même week-end. Les radios se sont tues, certes, et avec elles toutes les libertés, mais ne voilà-t-il pas que les tracts commencent à prospérer sous le manteau et dans les camps militaires surtout ? En tous les cas, après cette surdité qui lui est propre, Tanjda ne saurait souffrir de cécité ; à moins qu’il ait décidé de se faire hara-kiri.

Bernard Zangré
lobservateur
http://www.lobservateur.bf/spip.php?article12803

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