jeudi 29 octobre 2009

Bulletin d'information de l'association Targuinca n°13 - Octobre 2009 – Nouvelles du Niger



Par Targuinca, mercredi 28 octobre 2009 :: Bulletins d'information :: #247 :: rss

La paix revient dans le Nord du Niger


Le dimanche 4 octobre, le FPN (Front Patriotique Nigérien), mouvement dissident du MNJ a officiellement déposé les armes à Agadez. Le mardi 6 octobre, les rebelles du MNJ en ont fait autant à Sebha, en Lybie, en présence de leur chef Aghali Ag Alambo, du chef rebelle touareg malien Ibrahim Ag Bahanga et du colonel Khadafi. Selon des sources de l’Agence de presse africaine (Apa), « les rebelles qui ont accepté de déposer les armes recevront des aides variant entre 300 et 400 euros, ainsi qu’une réinsertion sociale et professionnelle ». Cet accord de paix, qui ne prend pas en compte les revendications posée initialement par les mouvemente rebelles comme conditons du retour à la paix (décentralisation, développement économique, respect de la diversité culturelle, représentation accrue des populations du Nord dans les instances de l’Etat, l’administration et l’armée, retombées locales d’une partie des bénéfices provenant de l’extraction de l’uranium, meilleures conditions de travail pour les ouvriers des mines, protection de l’environnement...), est controversé. Certains ex-combattants ressentent une grande amertume… Tant que le gouvernement nigérien continuera d’ignorer ces revendications politiques, la menace d’une contestation armée demeurera. La paix semble donc encore bien fragile.

Quelles que soient les menaces qui pèsent sur l’avenir, les populations du Nord du Niger profitent du calme retrouvé pour tenter la relance d’activités économiques et reprennent espoir.

Le directeur du Point Afrique, Maurice Freund, a réussi à négocier avec la ministre du tourisme nigérienne la possibilité d’une série de sept vols allers-retours Marseille-Agadez, sous surveillance accrue pour assurer la sécurité des voyageurs. Le premier vol aura lieu le 27 décembre, les autres sont prévus pour janvier et février 2010. Cette initiative est très importante : le retour des touristes sera une étape décisive pour la reprise économique de la région ; ce sera aussi, pour les populations locales, un signe de paix effective et la fin de leur isolement forcé depuis presque trois ans.

Pour plus d'informations au sujet de ces possibilités de voyage, consultez le site www.croqnature.com. Les habitants de la région vous attendent avec impatience !

Mardi 20 octobre ont eu lieu les élections législatives destinées à renouveler les 113 députés du Parlement, dissous en mai 2009 par le président Tandja pour avoir refusé la modification de la Constitution qui permettrait de prolonger le mandat présidentiel.

La participation a été faible et l’opposition a boycotté les élections. Le vote a contribué à donner une façade de démocratie au gouvernement du colonel Tandja qui peut maintenant rester président à vie, soutenu par l’armée. Au Niger, l’armée et les élites politiques s’utilisent réciproquement. Les militaires soutiennent le pouvoir en place qui, lui, les protège par une loi d’amnistie constitutionnelle « accordée aux auteurs des coups d’Etat des 27 janvier 1996 et 9 avril 1999 » (coup d’Etat du colonel Baré en 1996 ; assassinat, en 1999, du même Baré, alors président de la République du Niger, et de trois personnes l’accompagnant). Mamadou Tandja a récemment nommé au poste de premier ministre Ali Badio Gamatié, vice gouverneur de la BCEAO, réputé apolitique, montrant ainsi qu’il peut se passer de son parti, le MNSD, pour diriger le pays.

Six mois après avoir promis à Nicolas Sarkozy de quitter le pouvoir à la fin de son mandat, en décembre 2009, Tandja est devenu un président tout puissant. Les pressions internationales, modérées, sont restées inefficaces.

Pourtant, en mai 2009, le président Tandja, lors de la pose de la première pierre de l’énorme gisement d’uranium d’Imouraren, avait annoncé son referendum constitutionnel du mois d’août devant le secrétaire d’Etat français à la coopération, Alain Joyandet, et la présidente d’Areva, Anne Lauvergeon. Le gouvernement français assure que ses intérêts miniers n’influent pas sur sa ligne politique en Afrique. Pourtant, Marou Amadou (cf. bulletin de septembre), président du FUSAD (Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques) et militant nigérien des Droits de l’homme, actuellement en France, déclare au journal Le Monde : « Nous n’acceptons pas que la France ferme les yeux sur le vol de notre démocratie, contre le droit d’exploiter l’uranium. Comment Paris peut-il croire qu’un dictateur est capable d’assurer une stabilité à long terme ? ». Et aussi à Billets d’Afrique : « L’uranium ne doit pas obscurcir les visions démocratiques de Paris ! » et « L’Afrique ne doit pas être un continent de tyrannie, de dictature, de despotisme et de misère. Il n’y a aucune autre réponse valable pour les Européens et les Africains qu’un développement responsable et dans la liberté pour tous ».

Pour sa part, la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) a tenu son sommet extraordinaire le 17 octobre à Abuja où les chefs d’Etats présents ont examiné la situation en Guinée et au Niger. Ils ont estimé que, au Niger, le referendum du 4 août et les circonstances de son organisation étaient contraires à la Constitution du pays et violaient le Protocole Additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Ils ont donc exigé la suspension immédiate du Niger de la CEDEAO, jusqu’à la mise en place de structures démocratiques et la restauration de l’Etat de droit.

La présidente de la République du Liberia, l’ancien chef d’Etat de la République du Nigeria et le président de la Commission de la CEDEAO devaient rencontrer le président Tandja le 18 octobre pour lui délivrer le message du sommet et tenter de restaurer un dialogue politique au Niger. La décision prise par la CEDEAO a été transmise au président de la Commission de l’Union Africaine (UA) et au Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA pour qu’ils prennent des mesures appropriées. A l’issue de la réunion, un communiqué de la CEDEAO a appelé à la libération des journalistes et des prisonniers politiques détenus par le gouvernement nigérien.

Notons que le Niger vient à nouveau d'être classé dernier (le 182ème pays sur les 182 pays observés) selon l'indice de développement humain, classement annuel publié par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement).

La majorité du peuple nigérien vit dans une misère qui induit des comportements aux conséquences parfois désastreuses. Les dirigeants du Bénin, du Burkina Faso, du Niger, de la République centrafricaine, du Congo et du Sénégal se sont joints à Jacques Chirac pour lancer « l’appel de Cotonou » contre le commerce des faux médicaments, vendus à bas prix sur les marchés africains. Selon l’OMS, les antipaludéens de contrefaçon tuent à eux seuls 100 000 Africains chaque année et le commerce des médicaments illégaux représente environ 10% de l’industrie pharmaceutique, soit 45 milliards d’euros. Les chefs d’Etats qui ont participé à l’appel « s’engagent à combattre la fabrication et la vente de faux produits pharmaceutiques » sur leur territoire. La Fondation Chirac préconise une action de soutien des Nations Unies. Il faudrait certainement sensibiliser les populations ignorantes des risques encourus, mais ont-elles la possibilité financière d’acheter des médicaments à un prix « normal » ?

Pour l’éducation des populations, Areva a décidé de s’impliquer : la multinationale qui pompe les nappes phréatiques fossiles du Niger (l’extraction de l’uranium nécessite beaucoup d’eau), et qui, en 40 ans, a déjà épuisé à 70% celle d’Arlit, enseigne aux Touareg, peuple du désert pour qui « L’eau c’est la vie » (« Aman iman »), à ne pas gaspiller la précieuse ressource ! En effet, la société COMINAK, filiale d’Areva, a mis en place un système de management environnemental pour réduire de 16% la consommation d’eau potable dans l’Aïr. « Ces actions ont conduit à une réelle motivation chez les salariés et leurs familles pour protéger la nappe phréatique et gérer durablement cette ressource », se félicite Areva…

A Agadez, d’après le rapport OCHA, l’aménagement des sites d’accueil et de relogement des sinistrés suite aux inondations de septembre se poursuit. Au 6 octobre, 651 ménages avaient été relogés et les écoles ont pu être libérées avant la rentrée scolaire. Mais de nombreuses personnes vivent encore sous des tentes ou dans des familles d’accueil. Des interventions dans le domaine de la santé (eau, hygiène et assainissement) ont lieu dans tous les sites de relogement. Dans les zones sinistrées a été mis en place un dépistage actif des cas de malnutrition des enfants, de la naissance à 59 mois.

Les dons réunis par Croq’Nature, Tchinaghen et Targuinca et gérés par l’ADDS (Alliance pour le Développement Durable et la Solidarité) ont permis de distribuer 21 040 000 FCFA (nos anciens francs) aux sinistrés. 150 familles d’Agadez, parmi les plus nécessiteuses, ont reçu chacune, suivant le nombre de leurs membres, entre 50 000 et 100 000 FCFA. En brousse, où les aides de l’Etat et des organismes internationaux ne parviennent guère, une partie des dons a été distribuée à des jardiniers dont les crues des koris avaient détruit les jardins et à des éleveurs qui avaient perdu la totalité ou la majeure partie de leurs troupeaux.

Deux étudiants originaires de Tin-Telloust ont sollicité Targuinca pour les aider à financer leurs études, de géographie pour l’un, de droit pour l’autre, à l’université de Niamey. Depuis 15 ans, aucun habitant de Tin-Telloust n’a poursuivi d’études supérieures ! Or il nous semble essentiel que les Touareg qui en ont les possibilités puissent y parvenir. L’ignorance fait le lit des dictatures ; il est facile de manipuler une population analphabète… Pour que les Touareg accèdent à une représentation politique réelle, seule susceptible d’éviter des violences, il leur faut une élite intellectuelle suffisamment nombreuse. Les membres du bureau ont donc décidé d’accorder aux deux jeunes gens une aide d’urgence pour leur permettre d’étudier dès le début de l’année universitaire. 180 euros couvriront l’inscription des deux étudiants à l’université, l’achat des documents nécessaires à leurs études et un mois de frais de déplacements pour assister, trois jours par semaine, à des travaux dirigés obligatoires dispensés à l'extérieur de l'Université. Actuellement, ces jeunes sont hébergés, à 8 par chambre, dans un foyer de 25 étudiants de Timia, qui les acceptent contre une participation à la nourriture, l’électricité et l’eau courante. Mais ils manquent cruellement de ressources. Nous leur cherchons des parrains ou marraines. Avec 50 à 100 euros par mois, nous pouvons soutenir un jeune dans la poursuite de ses études supérieures. Eventuellement, plusieurs personnes pourraient se grouper pour assurer un parrainage (66% des dons sont déductibles d’impôt).

Si vous souhaitez participer à ces parrainages, vous pouvez demander des informations supplémentaires et faire connaître le montant de votre contribution éventuelle à la présidente de Targuinca, Sonia (targuinca@free.fr). Merci d'avance.

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