mardi 8 septembre 2009

les migrants, une manne pour le développement ?


IRD 07-09-09
les migrants, une manne pour le développement ?
lundi 7 septembre 2009


À pied, en camion, en bateau, en avion... près de 200 millions de personnes, soit 3 % de la population mondiale, sont partis tenter leur chance à l’étranger. Un chiffre en constante augmentation, au rythme de la mondialisation et de la crise économique : en 25 ans, le nombre de migrants dans le monde a doublé. Fuir les conflits, soif d’une vie meilleure... près des trois quarts des candidats à l’exil viennent des pays du Sud. Combien, parmi eux, rentreront un jour au pays de leurs aïeux ? Le projet de retour définitif, un mythe pour les migrants de tous horizons, est en effet constamment différé et se matérialise rarement. C’est ce que constatent les chercheurs du CEPED (IRD, Université Paris Descartes, Ined) et leurs partenaires1. À travers une réflexion pluridisciplinaire, ils ont étudié comment s’articulent migrations internationales, retours au pays d’origine et développement. Au coeur du débat, l’argent investi par les diasporas : s’ils s’accompagnent souvent d’effets pervers, ces fonds contribuent cependant efficacement à lutter contre la pauvreté, ouvrent l’accès à l’éducation ou à la santé et réduisent la vulnérabilité, notamment face à l’aléa climatique. De plus, forts de nouvelles compétences et expériences, les migrants de retour au pays modifient les hiérarchies sociales et politiques, les valeurs traditionalistes, les comportements en matière de santé, etc.

Terres de naissance, de transit ou d’accueil : tous les pays de la planète sont concernés. Au nord comme au sud, les migrations internationales sont au coeur des enjeux politiques et des débats publics. Les chercheurs du CEPED (IRD, Université Paris Descartes, Ined) et leurs partenaires1 ont analysé leur impact sur le développement des pays d’origine des migrants. Le mythe du retour définitif Dès qu’il quitte la mère patrie, le migrant n’a qu’une idée en tête : rentrer un jour définitivement au pays, avec de meilleures conditions de vie, prouvant sa réussite sociale. Un projet qui prend rapidement la forme d’un rêve, d’un mythe, constamment repoussé au moment de la retraite, quand le projet migratoire sera réalisé, ou bien lorsque le contexte économique ou politique dans le pays de départ sera plus favorable, etc. Outre l’évolution de leur société d’origine, les chercheurs ont observé que les migrants modifient leur projet migratoire en fonction de leur vie dans le pays d’adoption : obtention d’un emploi, insertion dans le tissu social, acquisition de droits sociaux, voire de la citoyenneté, constitution d’une famille…

Ce qui conduit le migrant à redéfinir au fil du temps sa relation avec sa communauté. La personne exilée peut alors se retrouver en décalage avec les siens restés au pays du fait de son expérience acquise à l’étranger, de ses perceptions, de la distance géographique et sociale. De fait, de nombreux migrants ne réalisent jamais leur projet de retour et n’effectuent que des va-et-vient entre le pays d’origine et celui d’accueil. Cependant, s’ils veulent conserver leur place, leur légitimé, et donc la possibilité, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants, de réintégrer un jour leur communauté, ils sont tout de même contraints de maintenir des liens de solidarité. Ils vont ainsi apporter un soutien financier, le plus souvent au bénéfice de leur famille, en matière de santé, de scolarisation ou d’aide alimentaire, etc.

L’argent des migrants : une arme contre la pauvreté Plus de 160 milliards de dollars : c’est la somme envoyée chaque année par les 200 millions de migrants dans le monde vers les pays du sud. Un montant trois fois supérieur à l’aide publique au développement. Ces transferts d’argent constituent une importante ressource pour bon nombre de pays, comme la Turquie, l’Egypte ou encore le Maroc où ils sont supérieurs aux revenus du tourisme. Mais ces financements depuis l’étranger mettent sous perfusion la société d’origine sans véritablement créer de dynamique interne. Les observateurs affirment souvent que cet argent ne contribue pas à la croissance économique et qu’il est dilapidé en dépenses somptuaires. Or, s’il est vrai qu’il n’alimente pas toujours des investissements productifs au niveau de la région ou du pays, il contribue néanmoins au développement social en améliorant le niveau de vie des individus et des familles.

Cette source de revenus permet en effet de limiter les risques de paupérisation. Elle joue le rôle d’assurance maladie, finance l’éducation des enfants, permet de se prémunir contre les aléas climatiques, etc. Par ailleurs, le pouvoir économique des migrants constitue un enjeu social, et surtout politique, important. En effet, leur réussite à l’étranger peut d’une part modifier la hiérarchie sociale traditionnelle. De plus, leur expérience migratoire et la vie à l’étranger leur permet de suivre une formation scolaire, universitaire et professionnelle et d’apprendre des valeurs telles que la démocratie, la parité hommesfemmes ou la reconnaissance des qualifications professionnelles. Cela leur permet également d’acquérir de nouveaux comportements en matière de santé, de gestion économique, etc. Enfin, les quelques migrants de retour au pays, mais aussi ceux restés à l’étranger, n’hésitent plus à s’investir dans le jeu politique à l’encontre de la tradition : remise en cause du pouvoir et du rôle politique lié à l’âge, à l’appartenance de caste, au prestige d’une lignée… Pour les pays du Sud, dont les trois quarts des migrants de la planète sont issus, les migrations internationales représentent d’importants enjeux en termes de développement. Soutien financier aux familles, transfert de compétences, défense de valeurs démocratiques, redistribution du jeu politique…malgré une certaine dépendance financière qui s’instaure, les impacts positifs sont multiples. Demeure la question de la transmission du lien social : les enfants de migrants nés dans le pays d’accueil vont-ils continuer à aider leur communauté d’origine alors qu’ils ont accès à un autre niveau de vie, de nouvelles exigences en termes de consommation, une autre nationalité, une autre culture ?

lundi 7 septembre 2009 Institut de Recherche pour le Développement, Paris (IRD)

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