Florence Beaugé-LE MONDE | 08.09.09 | 11h38
Al-Qaida au Maghreb islamique : AQMI
mardi 8 septembre 2009
Au Maghreb, l’ambition de s’en prendre à la FranceAl-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), c’est d’abord un label - celui du mouvement d’Oussama Ben Laden -, mais ce n’est pas seulement cela. Plus le temps passe, plus il devient difficile de prétendre qu’il ne s’agit que de l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) revêtu de nouveaux habits, comme l’affirment les autorités algériennes.
C’est en 2005 que le GSPC prend la décision de basculer dans l’orbite d’Al-Qaida, mais il va lui falloir deux ans pour arriver à ses fins. A l’époque, le GSPC, dernier groupuscule terroriste algérien encore en activité, est soumis à une forte pression. Les Etats-Unis et l’Algérie ont institutionnalisé leur coopération sécuritaire un an plus tôt, et les amnisties successives proposées par le pouvoir algérien ont dégarni les maquis. Le GSPC manque de combattants. Il est alors conduit par Abdelmalek Droukdal, qui deviendra Moussab Abd Al-Wadoud.
En 2003, le fondateur du mouvement, Hassan Hattab, a été écarté. Ses compagnons réclamaient une internationalisation du GSPC, en particulier le droit de partir en Irak combattre les Américains. Lui s’y refusait. Mis en minorité, Hattab a dû démissionner et s’est vu remplacer par Abou Ibrahim, alias Nabil Sahraoui. Mais celui-ci est tué en 2004, lors d’une opération de l’armée algérienne. Droukdal, scientifique de formation et fabricant d’explosifs à l’époque des Groupes islamiques armés (GIA), lui succède. Il a alors 36 ans.
Ce sont les guerres d’Afghanistan et d’Irak menées par les Américains qui vont remettre en selle le terrorisme algérien et lui donner de nouveaux objectifs. Al-Qaida est alors, elle aussi, à la recherche d’une nouvelle stratégie. "Elle voit dans le Maghreb un "vivier" pour alimenter ses troupes", explique Mohamed Darif, universitaire marocain spécialiste de l’islamisme radical. En juillet 2005, quand deux diplomates algériens sont enlevés en Irak, le GSPC saisit l’occasion et fait allégeance au chef d’Al-Qaida en Irak, Abou Moussab Al-Zarkaoui. Droukdal salue l’assassinat des deux diplomates.
Difficultés de recrutement
Tout au long de 2006, le GSPC s’efforce de répondre aux exigences d’Al-Qaida, qui a réservé sa réponse quant à sa demande d’intégration. Le GSPC est finalement adoubé en janvier 2007 et prend le nom d’Al-Qaida au pays du Maghreb Islamique.
En 2007, le nouveau "franchisé" va faire la preuve de sa crédibilité. En avril, Casablanca et Alger enregistrent une dizaine d’attentats-suicides, une méthode "à l’irakienne" inhabituelle au Maghreb. En décembre, Alger est secoué par une nouvelle vague d’attaques perpétrées, cette fois, contre le siège des Nations unies et celui d’Interpol. Le retentissement médiatique est considérable. Parallèlement, quatre touristes français sont assassinés en Mauritanie, le 24 décembre. Une opération revendiquée par AQMI.
En 2008, Droukdal confirme sa stratégie d’internationalisation du mouvement. Il renouvelle la plupart de ses lieutenants, ainsi que les chefs des zones militaires, et en nomme de très jeunes. Il prend des otages autrichiens dans le Sud tunisien, des Canadiens, Allemands et Suisses au Niger, tout en multipliant les opérations de harcèlement un peu partout. Il entend devenir la première force d’opposition armée au Maghreb, et le dit clairement dans un entretien accordé au New York Times en juillet 2008. Lors de ses opérations, il évite autant que possible de faire des victimes civiles musulmanes. En Algérie, ses cibles prioritaires sont les forces de sécurité. Mais son ennemi principal, c’est la France, suivie des Etats-Unis. Son financement, AQMI l’a longtemps tiré du racket, de la contrebande et du banditisme (en particulier aux frontières du Maroc, de la Libye et de la Mauritanie). Mais, depuis la fin 2008, il tire plus encore de revenus de prises d’otages occidentaux, dont il fait un véritable business. A ce jour, il n’a exécuté qu’un otage : un Britannique, en mai 2009 au Mali, Londres ayant refusé de verser la rançon demandée.
Où se trouve Droukdal aujourd’hui ? Vraisemblablement en Kabylie, dans un de ces maquis qu’il connaît encore mieux que les forces de sécurité algériennes, depuis seize ans qu’il s’y cache. Depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, et l’annonce du retrait des troupes américaines d’Irak d’ici à 2011, Droukdal rencontre des difficultés de recrutement. "Obama étant d’origine musulmane, pourquoi se battre contre lui ? Et quand le nouveau président américain a parlé, dans son discours du Caire, de "respect mutuel", il a renforcé le flottement général", souligne le spécialiste d’AQMI, Matthieu Guidère.
Reste qu’il faudra sans doute encore compter longtemps avec AQMI. Ces derniers temps, son centre de gravité s’est déplacé du Maghreb vers le Sahel. Ses nouvelles recrues sont davantage mauritaniennes et maliennes qu’algériennes. Peut-être parce qu’au Sud le mouvement offre encore l’attrait de la nouveauté.Florence Beaugé
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