dimanche 2 août 2009

Niger : autour du référendum et du débat démocratique en général

Abdoulahi ATTAYOUB
!Niger : autour du référendum et du débat démocratique en général
Les vérités semblent être ailleurs !

dimanche 2 août 2009

La vie politique au Niger a rarement suscité autant d’intérêt de la part de la communauté internationale. Certaines organisations sous-régionales et internationales se sont même réveillées pour rappeler certains principes. Une nouveauté ! Et la diaspora nigérienne elle-même ne nous avait pas habitué à une telle débauche de commentaires. Ainsi nous constatons qu’il y a actuellement beaucoup d’agitation de part et d’autre au sujet d’une question constitutionnelle somme toute assez subalterne, alors que les motifs de mobilisation extrêmement sérieux n’avaient pourtant pas manqué ces dernières années et continuent dans le même temps de susciter une totale indifférence ! Le référendum qui aura lieu le 4 août semble, surtout par l’intérêt qu’il suscite, nous faire oublier les véritables enjeux qui attendent le pays. Et les préoccupations partisanes ou politiciennes relèguent inévitablement au second plan l’impérieuse nécessité d’un débat public qui permettrait de jeter les bases d’une véritable refondation de l’État. Une refondation destinée à sortir le pays de l’actuel marasme institutionnel qui bride ses potentialités. Ainsi observe-t-on une tendance au désordre et au mélange des genres, conséquences inévitables d’une évolution mortifère qui prend sa source dans l’échec de la Conférence nationale, il y a donc déjà bien longtemps…

Une classe politique sclérosée et à court d’idées

La multitude de formations politiques écloses au fil du temps n’a cependant pas permis l’émergence d’un goût réel pour un véritable débat démocratique. Les hommes politiques qui ont assumé de hautes responsabilités ou sont en passe de le faire se comportent comme s’ils étaient des clones et ne montrent dans leur pratique aucune originalité ni aucun goût pour l’innovation. Les Nigériens auraient certainement aimé qu’on leur offre des choix précis, qu’on leur fasse des propositions quelque peu différentes qui tiendraient compte de leur préoccupation première : l’amélioration de leurs conditions de vie. Le clientélisme domine dans les stratégies des partis politiques et l’adhésion des militants reste encore une démarche intéressée, car les retombées matérielles immédiates demeurent la véritable motivation. Certes, le Niger n’est pas en cela différent des pays comparables, mais cet argument ne peut nous satisfaire, car ses prétentions démocratiques officielles sont omniprésentes, et n’ont souvent que la réalité d’une feuille de papier ou d’une parole que le vent porte au loin ! Ainsi, après des années de silence, voire de bienveillance à l’égard de la manière dont le pouvoir a géré le pays, l’opposition se réveille à l’occasion du référendum. Elle n’avait pourtant rien trouvé à redire à propos de la gestion qui avait été faite de la question du Nord, même quand l’armée a employé des méthodes inacceptables contre des populations civiles. Pas plus que cette opposition n’est actuellement à l’origine d’une proposition concrète pour consolider le processus démocratique et faire évoluer les institutions du pays, hélas !

La Constitution actuelle porte le poids de l’amnistie des assassins de Baré. Le maintien de ces dispositions dans le projet actuel constitue un élément révélateur de l’importance du secret que partage la classe politique autour de cette affaire. Il s’agit, en effet, du seul point qui fait visiblement consensus entre l’opposition et le pouvoir actuel, car à aucun moment nos « démocrates » ne se sont posé la question du rapport entre cette amnistie et le respect des valeurs démocratiques. Il est vrai que l’éloignement des perspectives de l’alternance constitue un danger autrement plus grave pour le pays que l’institution de l’impunité comme élément de gestion politique des crises !

L’opposition officielle a par ailleurs démontré que sa dénonciation de la corruption n’échappe pas aux calculs politiciens qui la décrédibilisent. Nombre de Nigériens avaient pourtant placé en elle un espoir de renouveau pour le pays. Globalement, elle n’a pas réussi à structurer ni à conduire une voie politique différente de celle que les Nigériens connaissent trop bien aujourd’hui. Ses hésitations et sa démission à des moments importants de la vie du pays font qu’elle peine aujourd’hui à représenter une alternative sérieuse, malgré les qualités incontestées de certains de ses leaders..

Personne n’explique aux Nigériens l’intérêt de l’alternance politique autrement que par la nécessité de changer d’équipe. Comme si cette alternance était un impératif à chaque échéance électorale. Pourtant, même dans une situation idéale de fonctionnement de la démocratie, les citoyens peuvent décider de préférer la continuité d’une politique qui leur semble aller dans le sens de leurs intérêts. D’autant plus que la nouveauté n’est pas forcément synonyme de mieux. Surtout dans un contexte d’absence totale de projets véritablement distincts.

L’indignation du monde extérieur est trop sélective pour paraître sincère

La communauté internationale fait pression sur Tandja afin de le décourager dans sa volonté d’organiser ce référendum. Cette position de principe, somme toute compréhensible, tranche avec l’indifférence qu’a manifestée cette même communauté internationale quand le Niger a eu grand besoin de son attention dans d’autres circonstances, circonstances autrement plus importantes pour la stabilité et la cohésion du pays. Les démocrates et autres défenseurs des droits humains ont eu maintes occasions de se manifester ces vingt dernières années au Niger... Le président Tandja fait ainsi preuve de cohérence et de responsabilité en leur opposant une fin de non-recevoir appuyée sur sa vision de l’intérêt national…

De la nécessité d’une profonde réforme des institutions

La crise que nous connaissons aujourd’hui aura certainement pour conséquence une recomposition partielle ou totale du paysage politique nigérien. Les acteurs politiques actuels ayant largement montré leurs limites et leurs difficultés à innover, l’opinion publique est en droit d’attendre une nouvelle impulsion au débat démocratique.

Une alliance Hama Amadou, Mahamadou Issoufou et Mahamane Ousmane pourrait constituer une impasse si celle-ci n’était élaborée que pour contrer le pouvoir actuel, en évitant soigneusement d’exposer clairement un projet au peuple nigérien. Nous n’osons pas imaginer le pire, car les lourdeurs liées aux expériences du passé pourraient empêcher la naissance d’une cohésion durable. Une cohésion qui devrait si elle était explicitement envisagée stabiliser la vie politique et rassurer à la fois les Nigériens et les partenaires du pays.

Finalement, la seule alternative qui aurait pu garantir une certaine stabilité de l’État et rassurer sur l’avenir s’est éloignée avec le malentendu né entre Tandja Mamadou et Hama Amadou. En effet, ce dernier apparaît toujours comme présidentiable en l’absence d’hommes nouveaux capables d’incarner un véritable changement. Hama Amadou bénéficierait encore d’un préjugé favorable lié plus à sa personnalité qu’aux actions qu’il a pu entreprendre quand il était aux affaires. Il pourrait représenter un espoir pour ceux qui pensent que le Niger a besoin d’un président à forte personnalité et capable de faire évoluer le pays en le respectant dans sa diversité et sa complexité. L’ancien Premier ministre Hama Amadou aurait pu incarner une certaine mutation du système pendant la période de transition contenue dans le projet de la nouvelle Constitution. Pour cela, il aurait fallu qu’il puisse surmonter les « incompréhensions » liées à Tandja et obtenir un non-lieu dans ses affaires judiciaires.

La pertinence d’une période de transition aurait une justification dans une volonté claire de préparer l’avenir du pays et de se donner les moyens d’obtenir l’adhésion d’une large majorité des Nigériens aux réformes proposées. Le pouvoir actuel aurait tort de penser qu’il peut réaliser de grandes choses en faisant l’économie d’un certain consensus.

La VIe République pourrait ainsi être une étape dans ce processus qui conduirait le pays vers une mise à plat de l’ensemble de ses institutions et lui donnerait des textes de loi à même de lui garantir la stabilité et un meilleur fonctionnement pour les décennies à venir. Pour cela, il faudrait lancer une large campagne nationale de sensibilisation et de responsabilisation des citoyens pour les amener à participer à cette construction nationale.

Cette réforme en profondeur devrait se faire en impliquant l’ensemble des forces vives du pays dans le débat et en faisant appel à l’opposition pour la formation d’un gouvernement d’union nationale dont l’objectif premier serait de mener à bien ces changements. Il faudrait, en effet, un large consensus national pour faire de cette période une véritable parenthèse qui servirait à refondre la République et à permettre l’émergence d’une nouvelle façon d’appréhender la politique. Le succès de ce type de projet nécessite naturellement une participation active et responsable de l’ensemble des acteurs politiques au-delà des clivages artificiels et autres calculs conjoncturels. La situation du pays exige ce sursaut patriotique pour que la politique recouvre cette noblesse qu’elle a perdue ou plus exactement dont elle n’a jamais bénéficié aux yeux des citoyens.

Si Tandja demandait à ses conseillers de regarder dans cette direction et de lui présenter des éléments de réflexion pour engager le pays dans ce « chantier », il rendrait un grand service au pays. Les Nigériens et… l’Histoire lui en seraient certainement reconnaissants.

Abdoulahi ATTAYOUB Temoust Lyon (France)

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