samedi 11 juillet 2009

Mali : l’Afghanistan du Sahel

Par Salima Tlemçani (El WATAN - Algérie)

Mali : l’Afghanistan du Sahel
Al Qaïda au Maghreb islamique y a commis plusieurs actions spectaculaires ces derniers jours
samedi 11 juillet 2009

Lorsque le GSPC a annoncé, mercredi dernier, avoir tué, le 4 juillet 2009, 28 soldats et capturé trois autres, la surprise a été totale. Néanmoins, la revendication a permis de comprendre au moins cette sortie virulente du président malien Amadou Toumani Touré, vingt-quatre heures plus tard (le 5 juillet), promettant la guerre totale aux terroristes du GSPC, après avoir été passif face à l’implantation de plus en plus massive d’abord des troupes de Mokhtar Belmokhtar, puis de celles Abou Zeid, dissident de ce dernier.

La multiplication des enlèvements d’étrangers et la négociation de leur libération par l’intermédiaire de notables et d’officiels maliens au nord du Mali n’a fait que renforcer les rangs des terroristes en moyens humains et matériels, mais aussi les liens solidement entretenus avec la communauté Brabiche, implantée au nord de Tombouctou, et qui a joué un rôle important dans la neutralisation de la rébellion touareg. Dimanche dernier, le président Touré a surpris en s’exprimant d’un ton coléreux : « C’est une lutte totale contre Al Qaïda que nous menons actuellement. Je dis bien totale. Sur le terrain, dans la bande sahélo-saharienne, les salafistes et leurs complices qui sont auteurs de multiples trafics, sont nos ennemis », a-t-il dit, sans pour autant faire allusion à ce qui s’était passé la veille de cette déclaration. Il aura fallu attendre 48 heures pour que le GSPC annonce son « fait de guerre » : une embuscade meurtrière tendue à un convoi militaire, qui a fait 28 morts. Les premiers éléments d’information indiquent que l’attaque a eu lieu, samedi dernier vers 4h, dans la zone d’Arouane, non loin de Tombouctou, contre un convoi de militaires. Pris dans leur moment de repos, les soldats ont eu du mal à repousser les tirs nourris d’une cinquantaines de terroristes. L’effet de surprise leur a été fatal. La presse malienne a fait état de 4 morts, dont un colonel, et de 4 disparus. De nombreux blessés ont été transférés à Tombouctou. L’on a signalé également la destruction des 4 pick-up militaires. Dans son communiqué, le GSPC affirme avoir tué 28 soldats et capturé 3 autres. L’organisation terroriste ne reconnaît qu’une seule perte dans ses rangs, un Mauritanien. Elle a en outre menacé de lancer d’autres attaques visant personnellement le président Touré, et avec virulence, en lui reprochant d’avoir soutenu les Occidentaux, qualifiés de « croisés », dans la guerre menée contre Al Qaïda.

Les autorités maliennes au pied du mur

Mises au pied du mur, les autorités maliennes parlent de « propagande » puis reconnaissent à demi-mot qu’« il y a eu certes des dizaines de morts de part et d’autre », précisant toutefois que « ce sont les terroristes qui ont perdu le plus d’hommes. Nous avons une dizaine d’éléments portés disparus. Cinq d’entre eux sont revenus lundi à la base ». Que s’est-il passé au juste ? Selon des sources locales, l’embuscade a eu lieu samedi 4 juillet, vers 4h, lorsqu’un convoi militaire en expédition dans la zone d’Araouane, non loin de Tombouctou (en route vers Taoudéni), a été pris, dans son sommeil, par les tirs nourris d’une cinquantaine de terroristes. Avant de partir, les assaillants ont détruit les 4 pick-up des militaires et délesté leurs victimes de leurs armes et de leurs moyens de communication. Les rares survivants ont été pris en otages. Du côté algérien, des sources sécuritaires confirment l’attaque, précisant que les pertes dans les rangs de l’armée malienne étaient « importantes » sans pour autant préciser le nombre. Selon nos interlocuteurs, les auteurs de cette embuscade pourraient être de la phalange de Abou Zeid, dissident de Belmokhtar, composée d’une centaine d’éléments, parmi lesquels de nombreux étrangers, notamment des Mauritaniens.

Depuis des années, le nord du Mali a constitué un no man’s land où se croisent et évoluent, sous l’œil passif des autorités – et complice des populations locales – non seulement les troupes du GSPC, mais aussi les bandes de trafiquants de drogue, d’armes et de papiers, les contrebandiers et les passeurs de migrants clandestins. La situation s’est aggravée avec la multiplication des enlèvements d’Occidentaux dont la libération se fait toujours en contrepartie de rançons, après négociation par l’intermédiaire de notables et officiels maliens, sur le sol malien. Pointé du doigt, le Mali, rassuré par le fait que les terroristes n’ont jamais commis d’attentat sur son sol, a préféré adopter la position de passivité. Interpellé par les pays voisins, notamment l’Algérie, il se défend en brandissant l’argument du manque de moyens. Pour le président Touré, le problème du terrorisme concerne tous les pays de la région et, de ce fait, « tous doivent » l’aider à mener cette guerre à commencer par l’Algérie, qu’il veut à tout prix impliquer directement dans le combat et sur son propre territoire. A ce titre, il va même annoncer publiquement, de manière unilatérale, la préparation d’une grande opération militaire conjointe des armées malienne et algérienne, pour déloger le GSPC de la bande sahélo-saharienne, mais se contredit plus tard en affirmant qu’il est juste question « de maintenir en tenaille » les groupes du GSPC entre l’Algérie et le Mali.

Les Algériens de loin...

Du côté algérien, des sources sécuritaires démentent toute « opération conjointe » et affirment qu’elles ne font que « suivre de loin » ce qui se passe actuellement au nord du Mali, qualifié d’ailleurs « de très inquiétant ». Ce qui pousse à croire que la déclaration du président Touré n’a d’autre objectif que de rassurer une opinion interne de plus en plus en colère contre sa passivité face aux activités d’Al Qaïda au Nord. L’embuscade du 4 juillet dernier n’est pas la première action du GSPC qui, il y a plus d’un mois, a choqué le monde en exécutant un otage britannique (après des mois de détention) à la suite de l’échec des négociations autour d’une rançon. Quelques jours plus tard et à quelques kilomètres de la zone où a eu lieu l’embuscade du 4 juillet, le groupe d’Abou Zeid a assassiné un colonel des renseignements maliens, issu de la communauté Brabiche, dans son domicile de Tombouctou. Un acte qui a suscité une vive colère de ses proches que le régime d’Amadou Touré a tenté de calmer en annonçant, moins d’une semaine après, l’élimination de 26 terroristes d’Al Qaïda. Mieux, à ce jour, aucune demande d’identification n’a été adressée aux services de sécurité algériens.

Peut-on croire que les déclarations du président Touré relatives à « une guerre totale » contre le GSPC ne soient qu’un leurre pour calmer une communauté arabe de plus en plus en colère contre les actes sanglants du GSPC, ce même groupe qui « avait mangé » dans leur main ? Contrairement à Belmokhtar qui a toujours été contre les attentats dans les zones de repli, Abou Zeid n’a qu’un seul objectif : s’imposer comme un émir sanguinaire, fort et intransigeant, et cela en commettant le plus grand nombre d’actes de terreur dans une région devenue, au fil du temps, un lieu de lutte d’intérêts des services de renseignement de certaines puissances régionales et extrarégionales. Une sérieuse menace qui pèse lourdement sur toute la région….

Par Salima Tlemçani

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