Alain Faujas-LE MONDE | 26.06.09 | 15h48
samedi 27 juin 2009La fragmentation économique et commerciale est pour l’Afrique tout aussi néfaste que le tribalisme au plan politique. Multiplications des procédures douanières et administratives, coût élevé des transports, marchés étriqués, mauvaise répartition de la main d’oeuvre et des capitaux, inadéquation de l’offre et de la demande paralysent le développement d’un continent ignoré de la planète - il ne représente que 2 % du commerce international, pour 12 % de la population mondiale.
C’est pourquoi la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced) rappelle que "l’intégration régionale demeure une priorité absolue pour les pays africains", dans son rapport sur Le développement économique en Afrique, 2009, publié jeudi 25 juin.
Premier constat : l’Afrique commerce plus facilement avec le reste du monde qu’avec elle-même. Malgré l’existence de quatorze groupements économiques (Comesa, CFA, UMA, UEMOA, CFA, SADC, etc.), ses échanges régionaux ne représentent que 9 % du total de ses échanges totaux, quand ce pourcentage atteint 18,5 % pour les pays en développement américains et 71,4 % pour les pays européens avancés. La médiocrité en matière d’investissements est comparable : les capitaux régionaux ne pèsent que 13 % du total des investissements étrangers, - contre 30 % en Asie.
UN CONTINENT CORSETÉ
D’Alger au Cap et de Dakar à Djibouti, on aurait tout intérêt à se doter au plus vite des infrastructures matérielles et immatérielles qui facilitent la circulation des hommes et des marchandises. Les routes goudronnées - et entretenues - sont un formidable outil de développement. Il a été calculé qu’une bonne route entre le Sénégal et le Mali multiplierait par quatre les échanges entre ces deux pays. Si 32 milliards de dollars (23 milliards d’euros) étaient investis dans la construction - et l’entretien - d’un réseau routier moderne, l’Afrique dans son ensemble profiterait d’un flux commercial supplémentaire de 250 milliards de dollars en quinze ans.
Car ce continent est corseté. Les coûts de transport y sont de 136 % supérieurs à ceux des autres régions du monde. Les délais à l’export y atteignent 34,7 jours, alors qu’ils dépassent à peine 10 jours dans les pays développés.
L’immatériel est tout aussi important : l’aéroport d’Accra, au Ghana, a réduit de trois jours à quatre heures le temps du dédouanement des marchandises et a vu augmenter ses recettes de 30 % de ce simple fait.
Les bénéfices de la constitution d’aires régionales intégrées ne sont pas seulement quantitatifs. Les études montrent que les pays africains exportent vers le reste du monde essentiellement des matières premières (pétrole, minerais, fibres, bois) sans ajout de valeur. Mais quand ils commercent entre eux, les Africains échangent d’abord des produits manufacturés, sources de revenus accrus pour les producteurs et d’économies pour les consommateurs.
Enfin, le rapport de la Cnuced rappelle que les migrations interafricaines ont contribué à réduire la pauvreté. Il souligne la nécessité de réduire les freins à cette libre circulation souvent entravée par la xénophobie et les mesures politiques qui réservent les emplois aux travailleurs locaux.
Alain Faujas
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