La Constitution contre le coup d’État
Tandja Mamadou vient finalement de poser la dernière pierre de son coup d’État en recourant illégalement à l’article 53 de la Constitution et en usurpant le pouvoir que la Constitution ne lui reconnaît pas de dissoudre la Cour Constitutionnelle. Le refus de se conformer aux arrêts de la Cour Constitutionnelle étant un motif de destitution, ses décisions n’engagent plus le Niger et en droit, la présidence de la République du Niger est vacante. Sur le plan juridique, le recours à l’article 53, la dissolution de la Cour comme tous les actes que Tandja posera à l’avenir sont donc nuls et de nul effet. Tous les acteurs doivent considérer que la Cour Constitutionnelle en particulier n’a pas cessé d’exister. Le FDD est parfaitement en droit d’exiger la démission de quelqu’un dont le pouvoir ne repose désormais ni sur la légalité, ni sur la légitimité, mais sur la force. La question est maintenant de savoir ce qu’il convient de faire.
Les forces républicaines et démocratiques ont utilisé les recours légaux et constitutionnels pour l’amener au respect de la Constitution. Elles l’ont même ménagé en lui offrant toutes les possibilités de sortir honorablement de ce triste engrenage. Mais c’est sans compter avec le fait que lui et ses complices jouent hors jeu, à l’image de beaucoup de dirigeants africains que les spécialistes de science politique appellent des chefs néopatrimoniaux. Peu soucieux de la paix et de la sécurité de leurs concitoyens, les chefs néopatrimoniaux préfèrent la stratégie de la terre brûlée. N’ayant pas la vision des hommes d’État et aveuglés par le pouvoir et ses fastes, ils ne se soucient pas de la façon dont l’histoire les jugera. De ce fait, ils n’hésitent pas à plonger leur pays dans les calamités les plus monstrueuses. C’est pour cela que les dirigeants africains ont plus souvent leur nom au panthéon de l’infamie que dans les temples de la gloire.
Ce que l’histoire récente nous montre, c’est que pour ce genre de dirigeants, l’État est un patrimoine privé qu’ils ne conçoivent céder à personne d’autre. Ils s’auto-convainquent d’être indispensables, opportunément aidés en cela par les spécialistes en flatterie qui redoublent d’autant plus d’ardeur que, parvenus au sommet par hasard, ils ne peuvent rien espérer par leur mérite personnel. Les chefs néopatrimoniaux se plaisent à confondre leur sort individuel avec le sort de leur pays et de ce fait, ne quittent le pouvoir que si on les accule. Ils promettent chantiers et paradis, mais n’apportent que misère et servitude comme on l’a déjà vu avec Bokassa en Centrafrique, Mobutu au Zaïre ou Omar Bongo au Gabon. Si ce funeste projet devait réussir, le Niger aurait aussi son Bongo, qui ne quittera le pouvoir qu’à sa mort, après avoir ruiné le pays et tué tout espoir démocratique.
Le Niger cependant n’est pas le Gabon et la question n’est pas de savoir si Tandja partira, mais dans quelles conditions il partira car aucun pouvoir ne peut durer sans le consentement des gouvernés. Il faut donc réfléchir dès maintenant à l’après Tandja pour que ce soit le moins dommageable pour notre pays et qu’on en sorte renforcés et non pas détruits. De nombreux cas récents montrent les dérives auxquelles l’entreprise en cours au Niger peut mener. En Roumanie en 1989, des citoyens excédés auxquels se sont ralliées les forces de l’ordre ont organisé une marche sur la présidence pour en extirper le dictateur. Celui-ci a été sommairement jugé et exécuté, mais le pays a mis des années à émerger du chaos. Plus près de nous, les évènements survenus le 28 juin dernier au Honduras nous interpellent plus encore en raison de la similarité de sa situation avec la notre. Dans ce petit pays d’Amérique centrale, le Tandja local qui voulait aussi organiser un référendum pour se maintenir au pouvoir malgré un arrêt de la Cour suprême le déclarant illégal, vient d’être arrêté par l’armée à la demande du pouvoir judiciaire et expulsé au Costa Rica. Mais comme il a divisé le pays de la même manière que Tandja Mamadou est en train de le faire au Niger, cette solution n’a pas pour autant réglé les problèmes du Honduras, qui est aujourd’hui au bord de la guerre civile.
En affichant ainsi son mépris pour le Niger, ses institutions et son peuple, Tandja Mamadou est désormais un simple citoyen que seule la force maintient au pouvoir. Mais comme il devrait le savoir, « on peut tout faire avec les baïonnettes sauf s’asseoir dessus ». Le devoir de tous les citoyens nigériens aujourd’hui est de résister à la tyrannie en travaillant sans relâche et avec tous les moyens que leur confère la Constitution pour faire échec au coup d’État afin que force puisse rester à la loi, seule véritable rempart contre l’arbitraire. L’histoire montre en effet que les dictatures perdurent moins grâce à leur force qu’en raison de la peur et de l’inaction des dominés. Cette situation interpelle particulièrement nos autres concitoyens que sont les militaires, gendarmes et policiers sur lesquels il pense s’adosser pour usurper à vie le pouvoir et réprimer la contestation qui ne manquera pas de monter les jours à venir. Ils doivent se regarder dans un miroir et se demander s’ils sont des miliciens au service d’un homme ou des soldats et des hommes d’honneur. S’ils sont prêts à réprimer leurs frères et soeurs pour que les intérêts d’un homme prévalent, c’est qu’ils sont des miliciens. S’ils sont des soldats, ils défendront la Constitution, la Cour Constitutionnelle et la population. Comme n’importe quel citoyen, ils ne sont pas seulement dotés du droit, mais ils sont surtout astreints au devoir constitutionnel de faire échec à la tyrannie.Il faut toutefois que les choses soient claires. Les nigériens ne veulent pas échapper à un Tandja élu mais qui veut entreprendre une carrière de dictateur pour tomber sous la coupe d’un dictateur militaire. L’ère des dictatures civiles comme des régimes militaires est révolue et il n’est nullement question à mes yeux pour les militaires de prendre le pouvoir, de suspendre la Constitution et de lancer une nouvelle transition à l’image de ce qui a été fait en 1996 et en 1999. Les institutions nigériennes de 2009 sont solides et fonctionnent très bien comme l’ont prouvé la Cour Constitutionnelle, la CENI et le FDD qui se sont scrupuleusement conformés aux procédures légales et constitutionnelles. Le Niger n’est pas dans une crise institutionnelle justifiant une prise de pouvoir par l’armée, ou une refonte des institutions. Le problème, ce sont les violeurs en série de la Constitution et en premier chef, Tandja Mamadou que seule l’utilisation à des fins privées de la force publique protège de la prison. Dans l’après Tandja qui est inéluctable, il faudra veiller à l’application scrupuleuse du schéma prévu à l’article 42 de la Constitution : la présidence de la République par intérim doit être confiée à la présidente de la Cour Constitutionnelle puisqu’en droit celle-ci n’est nullement dissoute; et des élections doivent être organisées dans les délais prévus de 45 jours au moins et 90 jours au plus.
Mamoudou Gazibo
Professeur agrégé de science politique
Université de Montréal, Canada
Source:
http://nigerdiaspora
1 commentaire:
Article intéressant. Faire connaitre des points de vue sur la situation des peuples dans le monde permet de mieux apprécier leurs luttes.
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Je vais publier cet article sur mon site et ajouter votre blogue comme référence.
À la prochaine.
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