TESHUMAR.BE est dedié à la CULTURE du peuple touareg? de ses voisins, et du monde. Ce blog, donne un aperçu de l actualité Sahelo-Saharienne. Photo : Avec Jeremie Reichenbach lors du Tournage du film documentaire : « Les guitares de la résistance Touaregue », à la mythique montée de SALUT-HAW-HAW, dans le Tassili n’Ajjer-Djanet- Algérie. 2004. Photo de Céline Pagny-Ghemari. – à Welcome To Tassili N'ajjer.
mardi 5 mai 2009
Dans l’arène d’Imouraren
L’Express- Vincent Hugeux- 05/05/2009
Dans l’arène d’Imouraren
Le chantier de la plus vaste mine d’uranium à ciel ouvert du continent africain, financée par le groupe nucléaire français Areva, a été lancé ce lundi à Imouraren, dans le nord du Niger. Alain Joyandet, secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie, était là. L’envoyé spécial de LEXPRESS.fr aussi ! Récit.
Bienvenue au coeur de la fournaise sahélienne. Ce lundi, le président du Niger Mamadou Tandja pose la première pierre du complexe d’Imouraren, appelé à devenir sous la houlette du groupe nucléaire français Areva la plus vaste mine d’uranium à ciel ouvert du continent noir. Dès l’aube, une armada de bimoteurs à hélice a convergé au pied des contreforts ouest du massif de l’Aïr.
Parti de Niamey, notre Beechcraft Superking achemine jusqu’au site surgi du néant Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie, et Aïchatou Mindaoudou, la ministre des Affaires étrangères de l’équipe Tandja. Alain et Aïchatou se connaissent, se tutoient et parlent entre ciel et terre du désensablement du fleuve Niger.
En vol, le missi dominici de la "Coopé" tricolore feuillette aussi un récent numéro de L’Express. Allez savoir pourquoi : ce sarkozyste de stricte obédience, journaliste et éditeur de presse saisi par les démons de la politique et désormais épris d’Afrique, a préféré notre Une vénitienne à la "cover" François Bayrou.
A l’arrivée, tout n’est que touffeur, bourrasques brûlantes, rocaille grise, nudité lunaire et tourbillons de sable. Le convoi file sur une piste balisée de drapeaux nigériens et français, au risque de l’excès de vitesse : comme le rappelle de loin en loin un panneau aussi réglementaire qu’insolite, il est ici interdit de dépasser les 70 km/h.
Tentes nomades et Touaregs en grand arroi impeccablement alignés dessinent les contours de la vaste esplanade où trône, encore emmaillotée de bleu, la plaque commémorative vissée sur un dolmen saharien. Il y a là les hommes en tenue d’apparat, juchés sur des chameaux placides au harnachements chamarrés ; puis les femmes à califourchon sur des ânes. Alain Joyandet, Anne Lauvergeon (Areva) et le Premier minsitre du Niger Seyni Oumarou, lors du lancement du chantier de la mine d’uranium d’Imouraren, dans le nord du pays, lundi 4 mai.
Sous le cagnard, les visages peints et tatoués au khôl ou au henné n’ont plus ni rides ni âge. Et les boubous moirés et brodés, que lestent parfois de lourds ornements d’argent, étincellent. Voilà pour l’oeil. L’oreille, elle, navigue entre les youyous, le lamento de l’inzad, violon monocorde touareg, et la mélopée de ces chanteuses qu’un homme vient remercier en effeuillant vers elles une liasse de billets.
Face aux fauteuils trapus de la tribune d’honneur, on a dressé sous un dais rustique le pupitre où défilent les orateurs. Dans l’ordre d’apparition en scène, le maire du village de Dannat, le gouverneur d’Agadez, Anne Lauvergeon, la présidente du directoire d’Areva, qui a entraîné dans l’aventure son plus jeune fils, puis Alain Joyandet.
Quant au premier ministre nigérien, Seyni Oumarou, il décrochera haut la main le trophée de la déférence, avec cet hommage adressé à Mamadou Tandja, "dussé-je contrarier votre légendaire modestie et votre sens de la retenue." Si lui ne survit pas au prochain remaniement, alors qui ?
Parfois, une banderole énigmatique tranche sur les éloges rituels dus au "développement durable" ou au "partenariat gagnant-gagnant". Telle celle-ci : " A 100% nous sommes pour Tazartché". Tazartché ? La continuité. En clair, la prolongation au-delà de son terme -en décembre prochain- du second mandat de Mamadou Tandja. Lequel ne peut, selon la Constitution, en briguer un troisième.
La veille, le chef de l’Etat a reçu au gouvernorat d’Agadez, ville où il n’avait pas mis les pieds depuis deux ans, les émissaires de trois factions d’une rébellion touarègue éclatée, minée par les dissensions et sapée par les coups de boutoirs de l’armée régulière. Et ce quelques heures après la libération du dernier militaire détenu en otage par le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ), matrice du soulèvement de l’été 2007. D’ailleurs, le président a tenu à convier à la cérémonie d’Imouraren les délégués des insurgés, longtemps relégués au rang de "bandits armés" et de "trafiquants de drogue".
Amers, les rebelles touaregs font "de la figuration"
Pas facile de dénicher ces invités-surprises parmi les chèches, turbans et calots. Par chance, je retrouve l’un d’eux, ému d’étreindre parents et amis après deux années d’exil, mais amer. "On fait un peu de la figuration, concède-t-il. Pour nous, ce qui prévaut, c’est un sentiment d’échec."
Le rôle du Libyen Muammar Kadhafi, qui a appelé en mars ses frères tamacheq" à déposer les armes ? "Crucial. Car lui a les moyens, politiques et financiers, d’imposer l’apaisement. Et il joue de sa qualité de président en exercice de l’Union africaine pour soigner ainsi son image de médiateur continental."
Peu avant une fantasia finale un rien trop sage, la "communauté touarègue" fera don au Guide de la Jamahiriya libyenne d’un vaisseau du désert altier à souhait, confié pour l’heure à son ambassadeur à Niamey.
Pour les rebelles, l’harmattan, vent du désert, a tourné. A tel point que le vademecum intitulé "Mesures de prudence et de protection", distribué par Areva à ses collaborateurs, semble un peu daté. On y décrit, à la rubrique "Fiche réflexes", la conduite à tenir en cas de panne, d’agression, d’émeute, de fusillade ou de prise d’otages. Dans cette hypothèse, prière de "jouer le jeu sans s’y laisser prendre", de "ne pas faire d’humour" et, "surtout, de ne pas céder au découragement". Encore merci.
Puisqu’on en est à la prose du ténor mondial du nucléaire civil, citons les vers attribués à un écrivain local, et qui pimentent le dépliant-programme de l’inauguration d’"Imou-la-Reine, don de la Providence".
"Et puis un jour AREVA/ Salvatrice arriva/Animé de nobles intentions/ Pour tes populations/ AREVA qui te rendit joyeuse/ Gaie vivante et heureuse." Que faire après avoir lu cela, sinon regagner, les mocassins poudrés d’ocre, l’avion qui somnole dans l’air vibrant de chaleur ?
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