vendredi 24 avril 2009

Un fils Kadhafi aurait sous-traité la libération

LAURENT GRABET / COLLABORATION : ROMAIN CLIVAZ |
http://www.tdg.ch/actu- 24.04.2009

La récente visite de Micheline Calmy-Rey au Mali a accéléré la manœuvre, mais c’est en versant une rançon que Saïf al-Islam Kadhafi aurait joué un rôle central dans la libération de la Suissesse retenue au Mali.


Promis, juré ! Il n’y a eu ni rançon ni terroristes libérés en guise de monnaie d’échange ! Le premier ministre canadien Stephen Harper tout comme le porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) Andreas Stauffer sont formels : la libération avant-hier de la Zurichoise Gabriella Greiner, d’une septuagénaire allemande et de deux diplomates canadiens, après trois longs mois passés au Mali entre les mains des extrémistes d’Al-Qaida au Maghreb islamique, ne doit qu’à l’engagement malien et aux diplomates des pays concernés.
Une rançon de 5 millions d’euros ?

Du côté d’Anis Rahmani , directeur du quotidien algérien Ennahar, qui a suivi ce dossier de près, c’est un tout autre son de cloche. « Saïf al-Islam Kadhafi et sa fondation pour la charité et le développement ont joué le rôle d’intermédiaire principal dans les négociations et ont versé une rançon pour obtenir ces libérations. On parle de 5 millions d’euros, mais ce chiffre reste à confirmer. » Un terroriste algérien et un mauritanien auraient également été relâchés pour en arriver là. « D’ici deux à trois jours, lorsqu’ils arriveront dans un lieu déterminé au nord du Mali, les deux derniers otages seront libérés », pronostique le journaliste, spécialiste des questions de terrorisme.

Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen de Genève, donne du crédit à Anis Rahmani mais ne sait que penser de sa version. « C’est vrai que dans des cas comme celui-là, les gouvernements occidentaux ne peuvent pas verser de rançon eux-mêmes sous peine de créer un précédent fâcheux et font appel à la Libye comme sous-traitant. »

Lors du dernier forum économique de Davos, soit une semaine après l’enlèvement, Micheline Calmy-Rey s’était entretenue 45 minutes durant avec le fils Kadhafi. A l’époque, rien n’avait filtré. On ignore donc si la question des otages avait été abordée.

Vendredi dernier, la ministre des Affaires étrangères rencontrait à Bamako le président malien Amadou Toumani Touré qui l’avait alors rassurée sur l’état de santé des otages. Est-ce au cours de cette visite que s’est jouée la libération de Gabriella Greiner ? « Cela a évidemment accéléré les choses, mais il est difficile de faire un lien plus direct avec la libération, confie un haut fonctionnaire du DFAE. Dans ce dossier, notre pays avait un avantage : celui d’avoir une vraie connaissance du terrain grâce à plus de vingt ans de coopération sur place. »

A Adliswil, près de Zurich, commune d’origine de l’ex-otage, c’est en tout cas « une joie énorme et un grand soulagement ». Gabriella Greiner y est une conseillère communale appréciée. Actuellement à Bamako, où elle a été accueillie par des diplomates et par des officiels maliens, elle sera vraisemblablement de retour mercredi. Mais il est aussi question d’« inquiétude » dans le communiqué publié hier par la commune d’Adliswil. Son mari, un avocat, et un touriste britannique sont en effet toujours captifs.

http://www.tdg.ch/actu-24-04-09
« Il faut que Merz demande à Kadhafi de libérer mon frère »

Le drapeau suisse a flotté hier à la place des Nations, à Genève, où les manifestants arborent d’ordinaire des bannières plus exotiques. Une trentaine de personnes, dont beaucoup vêtues de t-shirts et de casquettes rouges à croix blanche, se sont rassemblées pour demander la libération des deux Suisses retenus depuis neuf mois en Libye. Ces derniers avaient été arrêtés le 19 juillet 2008, officiellement pour infractions à la loi sur l’immigration et le séjour, quatre jours après l’interpellation d’Hannibal Kadhafi et de son épouse à Genève.

La famille de l’un des « otages » était présente hier à la place des Nations. Elle souhaite que le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, intervienne en personne auprès du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

« La diplomatie suisse a été très active pour tenter de faire libérer mon frère, explique Christian Göldi, mais cela n’a donné aucun résultat pour l’instant. Il faut entamer un dialogue de chef d’Etat à chef d’Etat », ajoute-t-il, en précisant qu’il n’en sait pas beaucoup sur l’état actuel des négociations menées par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

Celui-ci ne laisse d’ailleurs rien filtrer. « Nous comprenons l’impatience des proches, répond le porte-parole Erik Reumann, mais à ce stade, nous ne pouvons pas dévoiler notre stratégie. Nous avons des contacts réguliers avec les autorités libyennes. Ce genre de situation se débloque parfois subitement, comme cela vient d’arriver au Mali. »
Une manif très UDC

La manifestation se voulait apolitique, mais l’assistance était essentiellement composée d’élus et de militants UDC. La section genevoise du parti appelait d’ailleurs à manifester sur son site Internet. Car c’est Stéphane Valente, conseiller municipal UDC de Vernier, qui a lancé l’idée du rassemblement. La date et le lieu de celui-ci n’ont rien de fortuit, alors que se tient au Palais des Nations la Conférence de Durban contre le racisme, présidée par la Libye. « Mais il ne s’agit pas de manifester contre les autorités libyennes », assure Stéphane Valente. Sur son blog, il explique que la présence de drapeaux aux couleurs nationales sert à rappeler que les deux Helvètes sont retenus en Libye « parce qu’ils ont commis le crime d’être porteurs d’un passeport rouge à croix blanche ». Pour Soli Pardo, le président de l’UDC genevoise, également présent hier, la mesure de rétention s’apparente donc à du racisme. Rappelons que les deux ressortissants suisses ne sont pas en prison, mais ils n’ont pas le droit de quitter la Libye.

Antoine Grosjean

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