dimanche 22 février 2009

Niger/Marchandages autour des touristes enlevés


Vendredi 20 février 2009
Niger/Marchandages autour des touristes enlevés
Valérie de Graffenried
sur Le Temps.ch

Un négociateur malien affirme que les Suisses ont été vendus à Al-Qaida par des peuls bororos

Sur une des nombreuses cartes qui ornent les murs de son bureau, le colonel Mohamed Lemine Ould Taleb dessine un vaste cercle, qui part des grands ergs du nord-est mauritanien, vers les vastes dunes algériennes, puis descend en courbe vers les hauts plateaux rocailleux de l’Air nigérien, et continue vers les montagnes de l’Adrar malien, avant de se refermer en Mauritanie. Des centaines de milliers de kilomètres carrés où les rares voyageurs qui s’y hasardent ne rencontrent jamais le moindre uniforme.

Ce territoire sans maître, que le patron des opérations de l’armée mauritanienne, surnomme «le Cercle du diable», est le sanctuaire des brigades d’Al-Qaida au Maghreb islamique, qui viennent de revendiquer l’enlèvement de six Occidentaux, dont le couple suisse.

Selon un influent notable arabe malien de la région frontalière avec le Niger, qui est en contact avec les ravisseurs pour le compte du gouvernement canadien (ndlr: deux Canadiens figurent parmi les six otages), les ravisseurs se trouveraient aujourd’hui au Niger. «Ils sont précisément dans la région désertique du Ténéré, mais il n’est pas exclu qu’ils se déplacent vers une autre zone, s’ils ne se sentent plus en sécurité», assure-t-il.
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Reconnaissant l’enlèvement des deux diplomates canadiens sur son territoire, où ils étaient en visite pour le compte des Nations unies, le gouvernement nigérien avait affirmé que les autres otages ont été kidnappés au Mali et non au Niger. «Ils ont tous été enlevés au Niger», affirme aujourd’hui le notable malien. Niamey a aussi laissé croire à l’existence de liens entre les deux rapts et la rébellion touarègue qui sévit depuis quelques années dans le nord du pays. «Les rebelles veulent écorner l’image du pays en le présentant désormais comme peu sûr», avaient accusé plusieurs ministres nigériens.

«Il n’y a aucun lien entre les rapts et les rebelles nigériens ou maliens. C’est une façon pour le gouvernement nigérien de discréditer la rébellion», affirme notre source. «Les diplomates canadiens ont été enlevés par des bandits touaregs, mais les Suisses et leurs compagnons l’ont été par des Peuls bororos. Les deux groupes ont ensuite été vendus comme otages à Al-Qaida», explique-t-il. Selon lui, chaque groupe d’otages a été vendu 50 millions de francs CFA (environ 80 000 euros).


Habitué à monnayer ses otages contre de fortes rançons, Al-Qaida au Maghreb demande-t-elle de l’argent aujourd’hui aussi? «Ils demandent 33 millions d’euros pour chaque otage. Mais auparavant, ils exigent la libération de certains de leurs militants incarcérés dans un pays de la région qu’ils n’ont pas encore précisé», détaille le notable malien. Selon une source mauritanienne, il s’agirait vraisemblablement du groupe de terroristes auteurs de l’assassinat de quatre Français en décembre 2007 près d’Aleg, dans le sud-est de la Mauritanie, une opération à l’origine de l’annulation sur insistance du gouvernement français du rallye Paris-Dakar et de son transfert en Amérique latine.

La Suisse, qui a mis en place une cellule de crise, dispose-t-elle, comme le Canada, de contacts avec les ravisseurs, par le biais de ce notable? «Pas par mon intermédiaire directement: ils sont en contact avec d’autres notables et nous travaillons ensemble», conclut-il.

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