mercredi 19 novembre 2008

Uranium, vers une nouvelle malédiction ?


Uranium, vers une nouvelle malédiction ?*
*La récente ruée sur l'uranium subsaharien bouleverse les monopoles de jadis. Des
sociétés canadiennes,américaines, chinoises, sud africaines, indiennes remettent en cause la répartition des gisements nigériens.*Majoritairement concentrées au Niger (lire *Bataille pourl'uranium au Niger*, d'Anna Bednik, Le Monde Diplomatique, juin
2008) et en Namibie,respectivement troisième et sixième producteurs mondiaux,
les réserves d'uranium d'Afrique subsaharienne se retrouvent
aujourd'hui au centre du phénomène de *renaissance nucléaire* et d'une spirale des prix qui a vu croître le coût de la livre d'oxyde d'uranium de près de 1000% durant ces sept dernières années (elle s'achète actuellement autour de 82 dollars la tonne contre un pic de 136 dollars l'année dernière). Cette ruée sur l'uranium subsaharien (New Uranium Mining Projects)bouleverse les monopoles de jadis. La française Areva,
dont les filiales Cominak et Somaïr gardaient depuis les années 1970 la mainmise sur les gisements nigériens, a vu débouler depuis 2007 sur ses plate-band sahéliennes des sociétés canadiennes, américaines,chinoises, sud africaines, indiennes, auxquelles Niamey a octroyé plus de cent permis d'exploration.
Si l'on est encore loin d'une guerre del'uranium, la demande croissant encombustible non fossile pour les 25 prochaines années pourrait bien voirs'intensifier les tensions entre l'Etat central etles populations
autochtones, voire entre entreprises transnationales,autour de ces ressources. En somme, déboucher, à l'instar de la guerre de basse intensité livrée autour du brut du Delta du Niger, sur une
potentielle nigérianisation des zones uranifères. *On peut difficilement citer un
exemple ou la présence de ressources en Afrique n'a pas été une malédiction
totale, note Daniel Volman, directeur de l'African Security Research Project à Washington, dans l'article, remarquablement équilibré, publié en 2007 par le bureau pour lacoordination des affaires humanitaires de l'Onu (Niger: l'uranium bénédiction ou malédiction ?).* *Je m'attends à ce que le Niger reproduise le même type de cycle constaté dans d'autres pays,car il est déjà en train de suivre la même trajectoire, précise ce chercheur américain.

*Une première étape a déjà été franchie : en renégociant l'année dernière le
prix de l'uranium et en augmentant son taux de redevance au kilo, l'Etat
nigérien est devenu moins dépendant des impôts. Il a donc moins besoin du
soutien des populations rurales. Et moins besoin d'être attentif aux
demandes des populations du Nord Niger. Ce qui n'a fait
que gonfler les rangs des sympathisants du Mouvement Nigérien pour la
Justice ( MJN) — aux prises avec l'armée sur fond de répartition plus
équitable des revenus générés par l'exploitation de l'uranium — et durcir la répression contre tous ceux, journalistes et militants des droits humains en
premier lieu, suspectés de sympathies avec le MJN. Le journaliste Moussa
Kaka,correspondant de Radio France Internationale, en paie le prix en prison
depuis un an ce vendredi 19 septembre.
*Une seconde étape est en train d'être franchie : la
militarisation accrue d'un pays parmi les plus pauvres du monde, et la sanctuarisation de ses coffre-forts minéraux, avec le risque que ses problèmes
ne soient uniquement résolus par la manière forte. Dotées d'un nouvel
armement chinois, les forces militaires de Niamey sont par ailleurs couvées par
les Etats-Unis qui assurent l'entrainement militaire de leurs officiers.
*
Face à cette vision pessimiste, certains pourront rétorquer que la nouvelle
course vers l'uranium nigérien a réveillé le ressentiment de la population
touarègue à l'égard du pouvoir central et, plus globalement, des opérateurs
étrangers impliqués dans la *zone de conflit*. En somme,que la crise vécue
par Niamey dans son pourtour saharien est bien spécifique.A entendre le
mécontentement grandissant des ONG namibiennes impliquées dans la protection
de l'environnement, face au grand jeu international auxquelles se livrent
actuellement une quarantaine d'entreprises extractives(dont Areva) dans le
désert de Namibie, on peut commencer à en douter (Lire*Increased Nuclear Energy Demand Boosts Namibia*).
Lorsque le défunt militant nigérian Ken Saro Wiwa s'attaqua au début des
années 1990 à Shell, qui exploitait le territoire ogoni au cœur du Delta du
Niger, sa lutte était pacifique. Et pour des raisons majoritairement liées à
la détérioration de l'environnement. On connaît la suite…
*Jean-Christophe Servant pour CETRI - Centre
Tricontinental (Belgique)
*Le 03-10-2008
Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet
article demeurent
l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne
reflètent pas nécessairement
les vues de Planète Urgence.

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