vendredi 3 octobre 2008

L'insécurité persiste, malgré l'arrestation d'un chef rebelle

30 septembre 2008 - IRIN

Tandis que le gouvernement s’efforce d’assurer la sécurité dans le nord du pays en prenant des mesures répressives à l’encontre d’une milice accusée d’avoir orchestré dernièrement le meurtre de Touaregs, la paix durable reste hors d’atteinte, dans cette région, face à d’anciens combattants rétifs, à la pauvreté extrême des populations du Sahel, et au trafic de drogue, selon les analystes.

Les autorités maliennes ont annoncé avoir arrêté des dizaines de suspects, membres de la milice Ganda Izo (« les enfants de la terre »), dont Amadou Diallo, le chef de la milice, qui s’était réfugié au Niger voisin après l’enlèvement et le meurtre de quatre civils de la communauté des Touaregs au cours d’une foire organisée le 1er septembre à Gao, au Mali, à l’occasion d’une célébration musulmane.

Loin d’être apaisée par les mesures de répression du gouvernement, Raichatou Wallet Altanata, lobbyiste touareg des droits humains, estime que même les bonnes intentions peuvent provoquer une réaction violente. « Je crains que la traque et les arrestations massives des miliciens par le gouvernement ne puissent avoir l’effet contraire sur leur mouvement [la milice] ».

Mme Altanata craint qu’en représailles, des meurtres ne soient commis par la milice contre la communauté touareg du nord.

Ganda Izo, une milice principalement composée de membres des communautés Peuls et Songhaïs, rappelle à Mme Altanata de sanglants souvenirs de Ganda Koy, le mouvement paramilitaire qui l’a précédée, dans les années 1990 ; ce mouvement, qui s’est livré à l’exécution massive de civils touaregs en 1993 et 1994, aurait été soutenu, pour ce faire, par le gouvernement.

Les gouvernements du Mali et du Niger voisin ont tous deux été accusés d’avoir violemment réprimé les précédentes révoltes touaregs, forçant des milliers de Touaregs à fuir en Libye, en Algérie et au-delà, depuis 1996.

Passé sanglant, avenir radieux ?

Depuis près de deux décennies, diverses factions rebelles touaregs prennent les armes périodiquement contre leurs gouvernements, à la fois au Niger et au Mali, pour réclamer un meilleur accès aux services dans une région nord sujette à la sécheresse, ainsi que l’autonomie des communautés touaregs nomades de la région nord-est.

Plusieurs accords de paix ont été signés entre les gouvernements et les groupes rebelles touaregs depuis le début des années 1990, qui ont permis d’assurer plusieurs années de calme relatif jusqu’à la reprise des violences au Mali, en mai 2006, et au Niger, en février 2007.

Cette fois-ci, le gouvernement nigérien a refusé de négocier avec les rebelles. Dans le même temps, le gouvernement malien et les rebelles touaregs ont suspendu, le 31 août 2008, les pourparlers de paix engagés sous les auspices de l’Algérie, même si ceux-ci devraient néanmoins se poursuivre ces prochains jours, dès la fin du Ramadan, mois de jeûne musulman.

Mais pour Naffet Keita, anthropologue à l’université de Bamako, qui a publié des travaux sur les révoltes touaregs, les conditions qui avaient donné lieu à des flambées de violence ethnique soutenue par le gouvernement, en réaction aux précédentes rébellions touaregs, ne sont plus réunies. « Les individus qui ont sauvagement tué quatre Touaregs le 1er septembre ont eu tort de croire qu’ils seraient protégés par l’Etat, comme ils l’ont été par le passé. Nous ne sommes plus à la même époque », a affirmé M. Keita.

Bien que, selon M. Keita, l’armée malienne soit désormais plus juste, l’anthropologue, comme d’autres analystes, pense que certains obstacles l’empêchent encore d’assurer une sécurité durable dans la région.

Une intégration hasardeuse

Les efforts déployés précédemment en vue d’intégrer les anciens combattants dans l’armée nationale malienne n’ont pas été efficaces, selon Faradji Ag Bouteya, officier de l’armée dans l’administration territoriale malienne : « les rebelles qui sont entrés dans l’armée ne se sont jamais vraiment détachés de leurs mouvements ».

Selon M. Bouteya, après l’accord de paix de 1996, destiné à mettre fin à plusieurs années de révolte touareg dans le nord du Mali, environ 12 000 anciens rebelles touaregs ont été intégrés dans l’armée, les forces paramilitaires et la fonction publique, dont certains ont alors déserté.

« Ils n’étaient pas habitués à la discipline militaire, ils voulaient avoir la vie facile, [mais] ils voulaient attirer l’attention de l’Etat, alors ils ont choisi un raccourci en prenant de nouveau les armes ».

D’après M. Keita, l’armée n’était pas suffisamment entraînée ni préparée à absorber ces nouvelles vagues de combattants, dont certains occupaient des postes à responsabilité. « Ce sont des officiers qui n’ont jamais eu de supérieur. Cette situation [peut être] dangereuse pour tout le monde. S’il y a une nouvelle vague d’intégration, nous risquons de tomber dans le même piège [tensions exacerbées entre les anciens rebelles touaregs et l’armée] ».

Développement retardé

Dans les années 1970, des périodes de sécheresse ont commencé à décimer le bétail des éleveurs, à rétrécir la surface cultivable et à plonger les communautés rurales, y compris les nomades qui vivaient à la lisière du désert du Sahara, dans une plus grande pauvreté.

Le Mali se trouve systématiquement au bas du classement annuel établi par les Nations Unies sur les conditions de vie des populations du monde, mesurées en fonction de l’espérance de vie, de l’éducation et des revenus.

Mais d’après Mahomed Ag Mahmoud, directeur de l’Agence publique pour le développement du nord, le gouvernement fait de son mieux, et a investi, depuis 2006, 3,6 millions de dollars dans les infrastructures, les sources d’eau et la microfinance dans le nord du pays. « De plus, il est estimé qu’au cours des 10 prochaines années, le gouvernement investira 1,5 milliard de dollars de plus dans la région nord ».

Mais pour Mme Altanata, qui travaille avec l’Association pour la promotion de la paix, du développement et des droits humains, le chiffre est douteux. « Les mesures de développement prises par l’Etat, et que l’Etat s’est engagé à prendre restent ni plus ni moins ce qu’elles sont : des engagements hypothétiques. Si vous allez dans le nord, [vous allez voir qu’on] ne dirait pas que des millions y ont été injectés ».

Trafic de drogue

L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a recensé un plus grand nombre de saisies de drogue et une recrudescence du trafic via le désert du Sahara, ces dernières années. Selon les enquêteurs, la drogue arrive de différents ports d’Afrique de l’Ouest, est acheminée à travers le désert, avant d’être envoyée vers les marchés lucratifs de l’héroïne et de la cocaïne, en Europe.

Les rebelles touaregs ont nié tout rôle important dans le trafic de drogue, tout en admettant à IRIN, sous couvert de l’anonymat, que les trafiquants faisaient appel à leurs services en tant que guetteurs ou, à l’occasion, de chauffeurs.

« On en sait moins que les gens croient sur le trafic de drogue. On aimerait bien être plus impliqués. Nos jeunes n’ont pas de travail. Au moins, ça nous rapporterait un peu d’argent. Mais les Arabes sont jaloux de leur trafic et ne nous laissent pas nous approcher de trop près. Tout au plus, ils peuvent faire appel à nous pour guetter les forces de sécurité en nous faisant passer pour des éleveurs – vous savez, ces vieillards qui n’ont pas de bêtes, mais qui attendent au beau milieu du désert », a déclaré à IRIN un rebelle touareg, qui a participé aux insurrections, à la fois au Mali et au Niger.

Selon Mahamadou Diagouraga, directeur de la Commission malienne de paix et de réconciliation, même dans les meilleures circonstances, le trafic de drogue menace la sécurité dans le nord : « le trafic de drogue et la progression de l’islamisme algérien dans notre pays font du nord un terreau fertile. Même si nous contrôlions totalement cette région, je pense que, même dans ce cas-là, la paix à laquelle nous aspirons ne serait pas près d’être établie ».
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source: Jeune Afrique

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