mardi 7 juillet 2015

Soldats français soupçonnés de viols en Centrafrique : deux magistrats à Bangui

Par Jeune Afrique avec AFP
Des magistrats français se rendent dans la capitale centrafricaine pour interroger les six enfants de neuf à treize ans qui se disent victimes d'abus sexuels commis entre décembre 2013 et juin 2014 par des soldats de la force Sangaris.
Ces juges d’instruction français avaient été désignés le 7 mai 2015 pour enquêter sur ces accusations de viols. Depuis une semaine, des enquêteurs prévôts (des militaires disposant de prérogatives judiciaires) étaient déjà sur place pour préparer le travail des magistrats.
En avril dernier, quatorze militaires de l’opération Sangaris postés à Bangui ont été accusés de violset trois d’entre eux ont été identifiés. Ces abus sexuels auraient été commis sur un total d’une dizaine d’enfants sur le site de l’aéroport de M’Poko à Bangui. Les soldats auraient échangé de la nourriture et parfois de l’argent contre des faveurs sexuelles.
La justice française informée depuis juillet 2014
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait été informé de cette affaire dès juillet 2014. Il avait alors saisi la justice française et lancé une enquête interne sans rien dévoiler. Début juin, le ministre Le Drian a donné son feu vert pour que l’enquête interne de l’armée soit déclassifiée et transmise à la justice.
La justice centrafricaine a aussi protesté car elle n’a pas été informée de l’affaire. En mai 2015, la Centrafrique a annoncé qu’elle allait de son côté engager des poursuites contre les militaires français.

Nigeria : près de 150 morts dans des attaques de Boko Haram dans le nord-est

Par Jeune Afrique avec AFP
Près de 150 personnes ont été tuées mercredi dans trois attaques perpétrées par des membres présumés de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, faisant de cette journée la plus sanglante depuis l'arrivée au pouvoir de Muhammadu Buhari.
L’attaque du village de Kukawa, au cours de laquelle au moins 97 personnes ont été tuées mercredi 1er juillet au soir, est de loin le pire carnage depuis l’investiture, le 29 mai, du président Muhammadu Buhari. À Kukawa, une cinquantaine de membres présumés de Boko Haram ont ouvert le feu vers 18h30 sur des fidèles qui priaient dans des mosquées du village. Deux témoins ont donné un bilan de 97 tués. Selon deux autres, des femmes et des enfants figurent parmi les victimes.
Une source militaire basée à Maiduguri, la capitale de l’État de Borno, a confirmé que « les terroristes de Boko Haram (avaient) lancé une attaque sur Kukaw [mercredi] », sans être en mesure de donner de bilan pour l’instant. « L’armée a riposté en lançant des bombardements aériens sur des positions terroristes », a-t-il ajouté. Selon un témoin, il n’y avait en revanche « pas un seul soldat à Kukawa quand les terroristes sont arrivés » et ce jusqu’à leur départ, autour de 23h00.
Des hommes regroupés et fusillés
Peu après, à une cinquantaine de kilomètres de là, dans le même État de Borno, des islamistes lançaient à 20h30 l’assaut sur deux villages voisins à la sortie de Monguno, à 90 km au nord de Maiduguri.
« Les hommes armés de Boko Haram ont tué 48 hommes et en ont blessé 11 autres », a indiqué un député de cette circonscription au Parlement nigérian, Mohammed Tahir. « Ils ont sélectionné certains hommes parmi la foule des fidèles, ils les ont réunis et ils les ont fusillés avant de mettre le feu aux deux villages, qui ont été entièrement détruits », a-t-il dit.
Un rescapé a confirmé ce bilan, sous couvert d’anonymat. « Ils ont réuni les hommes d’âge adulte qui venaient des deux villages et ils nous ont tiré dessus », a-t-il dit depuis Monguno, à 8 km de là, où il a trouvé refuge.
Plus de 400 morts en un mois
Plus de 400 personnes ont été tuées par Boko Haram en un mois, selon un décompte de l’AFP. Le vice-président Yemi Osinbajo, en tournée dans cette région cette semaine, a réaffirmé jeudi 2 juillet la résolution de Muhammadu Buhari de « mettre fin à l’insurrection terroriste dans le nord-est ». Les attaques de Boko Haram et leur répression par les forces de sécurité ont fait plus de 15 000 morts depuis 2009 au Nigeria.
Une opération militaire régionale lancée en février par le Nigeria et les pays voisins, Tchad en tête, a permis au pouvoir nigérian de reprendre possession de la quasi-totalité des localités du nord-est contrôlées par le groupe armé. Les attentats n’ont toutefois pas cessé.

Les invasions barbares

Renforcé par le ralliement de jihadistes de la région jusqu'alors affiliés à Al-Qaïda, l'État islamique menace l'Afrique du Nord. Mais alors qu'en Libye, comme en Irak et en Syrie, le califat se nourrit du chaos et des conflits confessionnels, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et l'Égypte ne sont pas si vulnérables...
« Voyez ce qu’il advient à vos frères mécréants d’Irak, du Levant et d’autres contrées. Telle sera votre fin, avec la permission de Dieu, qui viendra de nos propres mains, si Dieu le veut. Il n’y aura rien d’autre que les massacres entre nous et vous », profère le jihadiste franco-tunisien Boubaker el-Hakim, alias Abou Mouqatil al-Tounsi, à l’intention des « tyrans sécularistes » de Tunisie.
L’interview de ce héros de l’État islamique (EI) s’étale sur quatre pages dans la dernière édition de Dabiq, diffusée le 31 mars. Sur la couverture du magazine califal en langue anglaise, le minaret de la grande mosquée de Kairouan, ville sainte tunisienne, culmine au-dessus de ce titre : « Seule la charia gouvernera l’Afrique. »
Dans ce huitième numéro, l’EI se félicite de l’allégeance que lui ont récemment prêtée ses nouveaux affidés nigérians de Boko Haram. Mais toute son attention semble se tourner vers l’Afrique du Nord, conquise entre 640 et 711 de notre ère par les armées des premiers califes. Exaltés par les victoires jihadistes au Moyen-Orient et la proclamation du califat, le 29 juin 2014, par leur chef Abou Bakr al-Baghdadi, depuis la grande mosquée de Mossoul en Irak, plusieurs groupes salafistes combattants du Maghreb l’ont reconnu comme le nouveau successeur du Prophète, envoyé pour rétablir la pureté, l’unité et la domination de l’islam sur terre.
En septembre 2014, Jund el-Khilafa (« Les Soldats du califat ») en Algériefont scission avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et se rallient à l’EI, suivis en octobre par le Conseil de la Choura de la jeunesse islamique à Derna, dans l’Est libyen. Le mois suivant, Ansar Beit al-Maqdis (ABM, « Les Partisans de Jérusalem »), groupe jihadiste le plus important d’Égypte, basé dans les montagnes du Sinaï, jure fidélité au « calife Ibrahim » sur son compte Twitter.
Glorifiés à l’infini sur les réseaux sociaux du world wide web, leurs coups d’éclat se multiplient. Les Égyptiens d’ABM poursuivent jusqu’au cœur du Caire leurs attaques sanglantes contre les forces de sécurité, auparavant menées sous la bannière d’Al-Qaïda. Dans les montagnes de l’Est algérien, les sicaires de Jund el-Khilafa enlèvent et égorgent le Français Hervé Gourdel. En Libye, les jihadistes se signalent plus lugubrement encore en diffusant la déca
pitation de 21 otages coptes d’Égypte et s’emparent de Syrte et de Sabratha.
Écartelée entre les zones d’influence de l’EI dans le Sud et d’Al-Qaïda dans l’Ouest, la Tunisie est frappée d’effroi par le massacre de 21 touristes, le 18 mars, dans le célèbre musée du Bardo. Au Maroc, le nouveau Bureau central des investigations judiciaires, créé pour faire face à la menace terroriste, démantèle le 22 mars une cellule, « l’État islamique dans le Maghreb lointain, descendants de Youssef Ibn Tachfin », qui s’apprêtait à frapper des politiques et des membres de la société civile. Une traînée sanglante s’étend de la mer Rouge à l’Atlantique. La reconquête armée de la Oumma (communauté des croyants musulmans) serait-elle engagée en Afrique du Nord ?
Vivier
« La réponse est non, affirme sans ambages l’islamologue Mathieu Guidère, de retour de Tunis et qui vient de publier un État du monde arabe (De Boeck, mars 2015). L’EI réussit en Syrie et en Irak parce que l’État central est défaillant et qu’il bénéficie d’un soutien populaire dans certaines parties de la population sunnite persécutée, massacrée par les milices chiites et convaincue de n’avoir d’autres défenseurs que lui. »
La guerre civile qui ravage la Syrie depuis quatre ans et la dictature chiite discriminatoire de l’ex-Premier ministre Nouri al-Maliki à Bagdad, aggravée par le départ américain de 2011, ont transformé ces deux États déliquescents en viviers à combattants salafistes, en eldorado du jihad international. Rien de cela en Égypte, où le peuple, las des convulsions révolutionnaires et islamistes, a remis son destin entre les mains de fer du maréchal Sissi, dont la priorité des priorités est de rétablir l’ordre et la sécurité. Citée en seul exemple durable de « Printemps arabe », la Tunisie poursuit sa transition démocratique dans la paix civile.
L’Algérie, meurtrie par la décennie noire des années 1990, est sous le contrôle des forces de sécurité. Tout comme le Maroc où, « depuis les cinq attentats-­suicides de 2003, la répression mais surtout la surveillance et la prévention sont fortes, souligne Baudouin Dupret, directeur du Centre Jacques Berque pour les études en sciences humaines et sociales au Maroc, à Rabat. Il y a de bonnes raisons de penser que le royaume va échapper à des actions majeures, même si des coups comme l’attentat de l’Argana à Marrakech en 2011 restent possibles ».
Seul terrain comparable aux anarchies syrienne et irakienne, le chaos libyen fournit à l’EI son unique véritable base territoriale en Afrique du Nord, et menace les États voisins. Après l’exécution de ses 21 ressortissants coptes, l’Égypte y a envoyé ses F16 bombarder les positions jihadistes. Et l’EI affirme que les deux auteurs du massacre du 18 mars en Tunisie y ont été formés par ses soins.
« Ses combattants contrôlent Derna, la presque-totalité de Syrte. Ils sont présents à Sabratha, à Benghazi et ont une vraie marge de progression, affirme le journaliste David Thomson, auteur d’enquêtes sur le jihad international.
Le « calife » Baghdadi y envoie des jihadistes depuis le Moyen-Orient, et l’EI déploie la même stratégie d’implantation qu’en Syrie, lorsqu’en 2012-2013 ses hommes se sont emparés de zones sous contrôle d’autres milices. Et comme en Syrie, ils ont pour objectif de contrôler des ressources pour s’autofinancer, attaquant ports et raffineries. »
Fracture communautaire
Autre différence fondamentale avec le terrain moyen-oriental, l’Afrique du Nord est presque uniformément de confession sunnite quand la Syrie et l’Irak, l’une dirigée par un clan chiite alaouite mais majoritairement sunnite, l’autre sous domination récente de la majorité chiite, sont devenus les champs de bataille de l’Iran et de l’Arabie saoudite, qui prétendent tous deux à l’hégémonie régionale.
Excitée par les ambitions rivales de ces deux théocraties, la ligne de fracture communautaire historique entre frères ennemis de l’islam a engendré un séisme qui ébranle aujourd’hui l’Orient arabe jusqu’au Yémen. La « takfirisation » (excommunication) génocidaire de l’ennemi proche par les prêcheurs des deux jihad ne peut avoir lieu en Afrique du Nord. Pour Mathieu Guidère, seule l’opposition entre séculiers et partisans de l’islam politique pourrait servir un but similaire.
« Ainsi, les élections en Tunisie ont montré que ce pays était divisé en deux, puisque la côte a voté laïc, en faveur du parti Nidaa Tounes, tandis que l’intérieur du pays a voté plutôt islamiste, en faveur d’Ennahdha. Cette répartition électorale, si le gouvernement en place ne fait pas attention, peut se transformer en une division territoriale sur laquelle prospéreraient des groupes affiliés à l’EI, en considérant ceux de la côte comme pas tout à fait musulmans. »
Autre danger, plus immédiat mais plus éclaté, le retour des vétérans du Moyen-Orient menace dès à présent les États de la région. Nombre d’entre eux, aguerris et endoctrinés, s’agglomèrent sans doute en cellules dormantes, prêtes à frapper partout, à tout moment, à terroriser pour générer le chaos d’où pourrait naître la grande confrontation.
Objectif d’une communauté internationale exceptionnellement unanime, le démantèlement de l’EI amènera un flot de jihadistes à regagner leurs patries. Un flot bien plus important que celui déversé par la fin de la guerre d’Afghanistan et qui avait participé, avec la marginalisation du Front islamique du salut, vainqueur des élections de 1991, à l’embrasement de l’Algérie.
Car, insiste Baudoin Dupret, « il faudrait cesser de regarder les sociétés arabo-musulmanes à travers leur opposition à l’Occident pour considérer les conflits internes qui les fracturent, recomposant les États et les sociétés ».
http://www.jeuneafrique.com/234451/politique/les-invasions-barbares/

Un responsable d’Aqmi tué par l’armée française au Mali

Par Jeune Afrique avec AFP
Mohamed Ali ag Wadoussène, l'un des responsables opérationnels d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a été tué dimanche lors d'une opération des forces spéciales françaises au Mali. Le terroriste était l'un des ravisseurs du Français Serge Lazarevic.
L’armée française a annoncé mardi 7 juillet avoir tué le Malien Mohamed Ali ag Wadoussène et capturé deux terroristes lors d’une opération près de Kidal (nord du Mali) dimanche en fin d’après-midi.
« Cette opération déstabilise la chaîne de commandement d’une katiba (brigade, ndlr) d’Aqmi et porte à nouveau un coup dur aux groupes armés terroristes au Sahel », peut-on lire dans un communiqué du colonel Gilles Jaron, porte-parole de l’état-major des armées françaises.
L’un des organisateurs de l’enlèvement du Français Serge Lazarevic
Mohamed Ali ag Wadoussène était l’un des deux jihadistes relâchés le 9 décembre 2014 par le Mali en échange de la libération de l’otage français Serge Lazarevic, enlevé par Aqmi en 2011. Il est l’organisateur présumé de son enlèvement. Sa libération avait d’ailleurs suscité de vives critiques et le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta avait alors promis qu’il ne serait jamais absous.
Rahama Nantoumé/Twitter
Au cours des combats, deux militaires français ont été blessés dans cette opération des forces spéciales. « Ils bénéficieront d’une évacuation vers la France très prochainement », a indiqué le colonel Gilles Jaron.
Dans le cadre de son opération Barkhane contre les groupes jihadistes au Sahel, l’armée française dispose d’une force de 3000 hommes au Niger, en Mauritanie, au Mali, au Burkina Faso et au Tchad.