samedi 23 janvier 2016


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Barkhane risque le grand écart

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L'attaque sanglante de l'Hôtel Splendid à Ouagadougou le 15 janvier 2016 a de nouveau endeuillé le Sahel et le monde. Mais l'enlèvement de deux Australiens le même jour est un signe bien plus inquiétant. Le Sénégal, la Guinée, le Burkina Faso et le nord de la Côte d'Ivoire apparaissent dans le viseur d'AQMI. Ce troisième point d'ancrage jihadiste, inédit dans ce coin de la bande soudano-guinéenne (1), pourrait ouvrir cette région francophone et très peuplée à la pénétration terroriste.
Le terme convenu de BSS (bande sahélo-saharienne) pour désigner la zone d'action de Barkhane va progressivement se transformer en B3S: Bande Soudano-Sahélo-Saharienne. Un triangle jihadiste transsahélien, de plusieurs milliers de kilomètres, insoutenable pour les 3500 soldats français, relie désormais la Libye de l'Etat islamique et le bassin du Lac Tchad (où sévit Boko Haram) à la périphérie méridionale du Mali.
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Le pari d'AQMI en passe d'être gagné
Depuis 2013, AQMI a survécu en se fondant dans les populations touarègue, arabe et peule du Mali. Evoluant tels des bergers à pied ou à moto, ils harcèlent l'armée malienne en reconstruction, la MINUSMA et leurs concurrents islamo-mafieux. En quittant l'Azawad pour le Sud libyen en 2013, AQMI a effectué un repli stratégique ponctuel, vital, à l'abri (momentané) de l'action militaire internationale. Son pari paie aujourd'hui et sa résurgence devient possible.
En 2014, 40 attaques liées à AQMI (2) ont été comptabilisées au Mali. En 2015, on y déplore 98 attaques et trois au Burkina Faso dont le premier enlèvement d'un Occidental depuis 2013. Ces trois dernières semaines, AQMI a déjà frappé six fois, essentiellement des cibles à haute valeur ajoutée: une Suissesse enlevée à Tombouctou le 8 janvier, l'attaque à Ouagadougou et, plus discrètement, le rapt de deux Australiens dans le Nord burkinabé le 15 janvier.
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Mokhtar Belmokhtar pénètre un nouvel espace au sud du Mali
Cette recrudescence est d'autant plus inquiétante que l'enlèvement d'étrangers constitue un mode opératoire bien plus complexe que la pose d'une bombe ou qu'une attaque suicide à la kalachnikov. Préparation, extrême minutie et coordination entre des équipes dissociées sont de rigueur. En annonçant que l'Emirat du Sahara les a enlevés au nom d'AQMI, Ansar Dine négociera sûrement leur libération. Le bras armé d'AQMI au Mali, Al-Mourabitoune, devrait les garder sous son emprise, si son chef Mokhtar Belmokhtar n'a pas sous-traité la gestion des otages au Front de Libération du Macina, qui revendique un califat peul du sud-est mauritanien au nord burkinabé.
D'évidence, Mokhtar Belmokhtar a su réactiver ses cellules d'Afrique noire, lui le seul Arabe à posséder autant d'influence au sud du fleuve Niger. Il n'en est pas à son coup d'essai: In Amenas en 2013, Bamako en 2015 portent sa signature. Depuis son retour au sein d'AQMI le 5 décembre 2015, il s'affirme comme le grand chef de guerre d'une région qui s'étend toujours plus au sud du Mali. En fin stratège, il a su saisir une opportunité de taille: les troupes d'élite du Burkina Faso ont été démantelées suite à la tentative de putsch de septembre 2015. Et le choix d'un commando local (3) et inédit (deux femmes présumées) ajoute à la discrétion. D'ailleurs, aucun dispositif sécuritaire ne peut constituer une parade certaine à de telles attaques-suicides. Paris en est un exemple criant.
AQMI ne contourne pas une illusoire "ligne Maginot". AQMI survit à la pression de Barkhane et de l'Etat islamique
Considérer cette poussée terroriste comme le contournement d'une « ligne Maginot » au Sahel est une illusion dangereuse. Illusion car elle nourrit l'image d'Epinal de soldats statiques, coudes à coudes face au Nord, aveugles sur leurs flancs. Dangereuse car elle occulte la raison d'être de Barkhane, sa mission et sa vraie nature. Sa raison d'être tient à la terrible loi de l'arithmétique financière: le souci d'efficience extrême s'est traduit par 3500 soldats (moins qu'au Mali en 2013) déployés dans une immensité plus grande que l'Europe. Sa mission est d'essence partenariale: "appuyer les forces armées des pays partenaires de la BSS" par un réseau opératif de Nouakchott à N'Djamena, de Madama à Ouagadougou. La vraie nature de Barkhane est d'être une opération dispersée et non linéaire où les unités, mobiles et capables de surprendre un adversaire fugace, combattent à 360°. Barkhane y parvient mais use son parc aérien, vital, jusqu'à la corde.
De fait, AQMI n'a pas le choix. Au nord, la Libye, voire la côte de la Tunisie au Sinaï, lui est vivement contestée par l'Etat islamique. A l'ouest, l'Algérie maintient 40.000 soldats à ses frontières. Au centre du Sahel, tous ses convois sont frappés (10 terroristes d'Al Mourabitoune ont encore été neutralisés à Ménaka au Mali le 20 décembre 2015). Les opérations du G5 Sahel appuyées par la France ratissent les zones rouges et brisent son réseau logistique. La pression a si bien réduit sa liberté d'action qu'AQMI approche désormais la frontière ivoirienne (4).
Comment éviter l'écartèlement? (5)
Barkhane devra réagir car, de fait, le Burkina Faso appartient au G5 Sahel et accueille nos forces spéciales. De plus, la pénétration jihadiste des sociétés noires au sud du Sahel, dont l'islam s'est adapté aux traditions locales aux côtés des chrétiens, serait particulièrement dangereuse tant leur imbrication est forte. Enfin, l'espace du Sénégal au Burkina Faso, francophone, comprend des alliés de poids: Dakar et Abidjan.
Un retrait des bases actuelles serait contre-productif. Les 1200 hommes de N'Djamena au Tchad contiendront bientôt la menace en Libye. L'allègement des 1000 hommes de Gao au Mali constituerait une victoire stratégique pour AQMI, dont le fief de l'Adrar des Ifoghas est à portée, et une aubaine pour tous les trafiquants.
Une réorientation partielle des opérations semble plus appropriée. Profitant de la baisse conjoncturelle des attaques dans l'Azawad, des opérations d'envergure, comme Vignemale en novembre, pourraient reproduire le travail de sape du réseau logistique jihadiste, cette fois-ci au Burkina Faso.
Ailleurs, l'intégration au G5 Sahel semble un préalable. C'est bien l'intérêt du Sénégal qui peut se montrer légitimement inquiet: la Gambie, enclave le coupant presque en deux, s'est récemment proclamée "Etat islamique". Un nouveau groupement tactique dans sa partie orientale, à Tambacounda par exemple, permettrait de sécuriser ses frontières, avant que la Guinée et la Côte d'Ivoire ne rejoignent un éventuel "G8 du Sahel". Si les logiques nationales ne le permettaient pas - logiques qui ont été fatales à l'Etat malien en 2012, la France pourrait anticiper la menace par une nouvelle base restant dans le cadre du G5 Sahel, vers Bamako par exemple.
Après Ouagadougou, Niamey tremble légitimement. Toutefois, par « l'Etat islamique » voisin, par la présence de forces françaises, par son image de Porte occidentale de l'Afrique, Dakar pourrait bien constituer la prochaine cible d'AQMI. Une attaque hautement médiatique y parachèverait l'implantation d'un triangle jihadiste transsahélien reliant la région guinéenne à la Libye et au Nigéria. En écartelant Barkhane, elle offrirait aux jihadistes une pression diminuée au Sahel et en Libye, et offrirait un champ exploratoire nouveau, mais prometteur, aux métastases islamistes. Alors que la réponse en 2013 s'est faite dans une urgence absolue, l'anticipation est encore possible. Trois pistes se dégagent. Elargir le G5 Sahel au Sénégal puis à la Guinée et à la Côte d'Ivoire. Etendre de facto la zone d'action de Barkhane à la Bande Soudano-Sahélo-Saharienne (B3S). Renforcer logiquement la B3S d'un troisième groupement tactique. Alors que nos efforts sur le sol national, en Syrie et bientôt face à la Libye redoublent, la question des unités disponibles se pose de manière criante. "Réduire la déflation" des effectifs militaires pourrait ne pas suffire.
_______________________
(1) On distingue en Afrique de l'ouest deux grandes zones climatiques (cf. carte): la bande sahélo-saharienne (de la Mauritanie au Tchad) inclut le Nord Mali et la bande soudano-guinéenne (de la Gambie au Nord Cameroun) inclut le Sud Mali (dont Bamako) et la majeure partie du Burkina Faso (dont Ouagadougou).
(2) Caleb WEISS, Al Qaeda-linked attacks in Mali and neighboring countries since 2014, carte conçue pour The Long War Journal 
(3) Les noms des trois assaillants neutralisés comportent l'appellation "al-Ansari", ce qui 
signifie "autochtone"
(4) Laurent LAGNEAU, Des renforts militaires envoyés dans le nord de la Côte d'Ivoire pour contrer 
la menace jihadiste, blog Opex 360, 30 juin 2015
(5) La conclusion prospective de Jihâd au Sahel propose trois scénarios pour le Sahel en 2020. Le 
scénario de "La déstabilisation centrifuge" précise ce risque (pp. 177-179).
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Olivier Hanne & Guillaume Larabi - 
Jihâd au Sahel .Menaces, opération Barkhane, coopération régionale - Ed. Bernard Giovannangeli
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Touaregs du MNLA : La propagande française et les basses manoeuvres algériennes ont bien fonctionné

18/01/2016 - 17:21

OUAGADOUGOU (SIWEL) — Résultat d'une propagande savamment orchestrée par la presse occidentale, en particulier la presse française, les Touaregs sont désormais assimilés aux terroristes islamistes. En parallèle, les basses manœuvres de l'Etat algérien s'activaient, dés le début du conflit entre les touaregs et l'Etat du Mali, à présenter le groupe terroriste Ansar Dine, comme étant le représentant légitime du peuple Touareg. 

Après avoir fait avaler mille et une couleuvres au Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), amenant peu à peu ses dirigeant à se compromettre avec les groupes terroristes qui leur ont été imposé par l'axe Paris-Alger, la propagande véhiculée par l'AFP, et l'ensemble de la presse franco-algérienne, porte désormais ses fruits. 

En effet, à la suite de l'attentat islamsite de Ouagadougou, revendiqué par l'AQMI, c'est un des dirigeants du MNLA, en l’occurrence Mossa Ag Attaher, qui a été "entendu" dans le cadre de cette attaque terroriste...


Le vaillant peuple de l'Azawad, garant de la poursuite de l'idéal de liberté pour lequel il a tant souffert. Ici manifestation contre le "papier d'Alger" qui a été finalement signé et pour le résultat que l'on connait (PH/DR)
Le vaillant peuple de l'Azawad, garant de la poursuite de l'idéal de liberté pour lequel il a tant souffert. Ici manifestation contre le "papier d'Alger" qui a été finalement signé et pour le résultat que l'on connait (PH/DR)
Après les attaques terroristes commis par l'AQMI à Ouagadougou vendredi dernier en faisant 29 morts, samedi matin la gendarmerie burkinabé a arrêté et longuement « entendu » Mossa Ag Attaher, porte-parole du MNLA, dans le cadre de l’enquête ayant suivi cet acte terroriste, 

Contacté par Siwel, Mossa Ag Attaher, raconte avoir été interpellé à 8 h du matin à son domicile par des gendarmes lourdement armés. Il n’a été relâché qu’à 23h après plusieurs interrogatoires portant tous sur le même sujet : «y-a-t-il des liens entre le MNLA et des groupes islamistes susceptible de commettre des actes terroristes » 

Aboutissement d’un amalgame résultant de la propagande franco-algérienne visant à assimiler les Touaregs aux terroristes, Mossa Ag Attaher a été embarqué comme un présumé terroriste islamiste. La propagande de l’AFP et de la presse française a fini par porter ses fruits. 

En effet, passant allègrement de l’appellation « Groupes Rebelles » à « Groupes terroristes » pour parler un coup du groupe terroriste Ansar Dine, un coup du MNLA, la propagande qui a fait rage durant plus de 3 ans a parfaitement fonctionné, d’autant que le Groupe Ansar Dine a longtemps été présenté, et dès le début, comme étant « Le » représentant légitime des Touaregs, tout en minimisant et en excluant le MNLA de toute légitimité, avant de l’amener peu à peu, à coup de fausse promesses, à se compromettre avec Ansar Dine, puis avec le HCUA (qui n’est autre que le recyclage de Ansar Dine). 

Ainsi de fil en aiguille, et au grand damne de la population qui avait tout misé sur le MNLA, le Mouvement Touareg a été pris au piège et amené à renoncer à ses idéaux les uns après les autres. Victime d’une propagande qu’ils auraient dû voir venir, et que certains au sein même du MNLA ont vu venir mais qu’ils n’ont pas pu déjouer face à la puissance dévastatrice de l’Axe paris-Alger. 

C’est «une dizaine de gendarmes, lourdement armés et équipés de gilets pare-balles qui se sont présentés à mon domicile comme s’ils opéraient une intervention anti-terroriste» précise Mossa Ag Attaher. Embarqué sans aucune autre explication que d’avoir « reçu l'ordre de l’emmener à la gendarmerie »; questionné sans cesse par des personnes différentes, le porte-parole du MNLA a eu à répondre plusieurs fois dans la journée sur des informations qui pourraient être « en sa possession » sur des éventuelles « menace terroristes imminente au Burkina Faso »… explique la victime de ce grave amalgame. Le comble de cet interrogatoire quand on connait le lourd tribu du MNLA face au terrorisme islamiste, c’est que Mossa Ag Attaher a été questionné sur les « liens du MNLA avec ceux qui opèrent et qui menacent le Burkina aujourd’hui». 

Mossa Ag Attahera raconte son « interrogatoire » en des termes qui se bornaient au final à trois questions essentielles qui revenaient sans cesse et que le Porte-parole du MNLA résume en ces termes : « Ils m'ont dit : en tant que haut responsable du MNLA, avez-vous des informations d'une menace imminente sur le Burkina Faso ? Avouez-vous des liens avec des personnes capables de mener de telles actions? Et enfin, qu'est-ce que le MNLA peut apporter pour le Burkina Faso dans la lutte contre le terrorisme ? »… 

En d'autres termes, la propagande franco-algérienne a eu pour but de faire des Touaregs soit des "auxiliaires de la lutte contre le terrorisme", toujours à leurs dépends, soit d'être carrément assimilés à des terroristes tout en étant les principales victimes de ce même terrorisme. Parce que, il faut bien le préciser, à ce jour, les seules et uniques victimes des groupes islamistes dans l'Azawad, sont exclusivement les membres du MNLA. Les unités du HCUA n'ont jamais fait l'objet d'une attaque islamiste terroriste, et pour cause, le cordon ombilical avec Ansar Dine n'a jamais été coupé. Par ailleurs le HCUA n'a jamais consenti à prêter main forte au MNLA pour combattre l'Aqmi ou le MUJAO... Il n'a jamais non plus été sollicité par les troupes françaises de Serval ou de Barkhane. Et au final, la question reste pleine et entière : A quoi sert le HCUA ? 

Et petite question subsidiaire : A quoi peut bien servir la CMA si ce n'est à discréditer le MNLA et en faire par la même occasion la vitrine de ses propres bourreaux ? 

Il reste au MNLA , qui malgré toutes les déceptions garde un certain capital sympathie, de cesser d'accepter le rôle dégradant de la victime consentante... 

zp, 
SIWEL 181721 JAN 16