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Lundi, 5 Mars 2012 · 73 Visiteurs · 873203 Visites · 4711 Articles · 292 Brèves · 41159 Commentaires
DERNIÈRES BRÈVES
La position officielle et stratégique de l’Algérie sur le conflit de l’Azawad est intenable, inexplicable, injustifiable. Depuis 40 ans, les diplomates algériens ont focalisé le Maghreb, l’Afrique et le Monde entier sur « le principe du droit à l’autodétermination du peuple Sahraoui ».
Pourquoi donc ne pas l’affirmer aussi clairement et avec force pour le peuple Touareg. Pourquoi l’intégrité territoriale du Mali serait-elle plus « sacrée » que celle du Maroc.
Rappelons que l’Algérie a déjà appliqué ce principe d’autodétermination en jouant le rôle de facilitateur pour l’indépendance de l’Erythrée (121.000 km2 et 5 M d’habitants), séparée de l’Ethiopie en 1993. Elle a également approuvé la scission du Soudan en deux Etats en été 2011.
Ces deux exemples signifient que l’Afrique a cassé le tabou dogmatique sur « l’intangibilité des frontières africaines héritées du colonialisme », énoncés par la Charte de l’OUA à Addis-Abeba en 1963.
Un siècle de rébellion touarègue
Bien avant la création de l’Etat malien, le FLN était déjà en première ligne sur le front de la rébellion touarègue contre l’occupant colonial, entamée au début du siècle. Les moudjahiddines avaient installé des bases de formation à Kidal et Gao. L’actuel président Abdelaziz Bouteflika avait lui-même participé à des collectes de fonds de soutien au FLN, auprès des tribus nomades, de Gao à Tombouctou.
C’est depuis Kidal que Ahmed Draia et ses troupes sont entrés à Tamanrasset, à la proclamation de l’indépendance en 1962, pour hisser le drapeau algérien dans les casernes libérées par les Français.
Le problème de l’Azawad est un problème de décolonisation au même titre que celui du Sahara Occidental. La France coloniale avait rejeté la revendication d’indépendance des Touareg qui refusaient d’intégrer leurs territoires à la Fédération du Mali, ainsi qu’à l’Etat du Niger.
Les chefs des tribus Touareg avaient dénoncé cette nouvelle colonisation par des Etats factices en écrivant au général De Gaulle en 1958. Ils commencèrent à s’armer et se révolter dès 1961. Une première insurrection eut lieu en 1962-1964. Les Touareg subirent une terrible répression qui décima même leurs cheptels et les paralysa durant trente ans.
D’autres rébellions d’envergure ont failli aboutir, en 1990-1992, 1994-1995, et 2006. Mais l’Algérie est toujours intervenue pour imposer un cessez-le-feu et conclure des accords qui n’ont jamais été respectés par Bamako.
Depuis le 17 janvier, le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) mène une grande offensive, bien décidé cette fois à obtenir l’indépendance.
Le président malien, Amadou Toumani Touré, a reconnu sur RFI, le caractère insoluble du problème touareg. Il affirme qu’il se tient « prêt à partir » en dépit de la situation qui prévaut dans le nord du pays : « Cela fait 50 ans que le problème du Nord existe. Nos aînés l’ont géré ; nous le gérons et nos cadets continueront à le gérer. Ce problème ne finira pas demain. »
La diplomatie algérienne, au lieu d’affirmer ses principes, adhère au diktat de la diplomatie française, qui traite l’Algérie comme un « sous-traitant » de la pérennité de sa politique coloniale. Le ministre français de la coopération, Henry De Raincourt, est venu à Alger affirmer son refus de l’autodétermination des Touareg : « Nous soutenons la pérennité du processus engagé le 2 février dernier en Algérie entre le gouvernement malien et les Touareg pour l’examen des moyens de parvenir à un accord dans le cadre de la sauvegarde de la sécurité et l’unité territoriale et la souveraineté du Mali ».
Le Mali est un pays ingérable
Rappelons que les colons ont trituré, selon leur bon vouloir, les frontières et les appellations de cette région depuis le début de l’implantation française en 1850. Les territoires occupés sous le nom de Haut-Sénégal-Niger, sont rebaptisés Soudan français en 1920.
En 1958, le projet de Fédération du Mali regroupe le Soudan français, le Sénégal, la Haute-Volta (Burkina-Faso) et le Dahomey (Bénin).
Après l’éclatement de la fédération, dont sont exclus les Touaregs, l’indépendance du Soudan français est proclamée le 22 septembre 1960, sous le nom de République du Mali.
Le territoire de l’Azawad regroupe les trois régions de Tombouctou, Gao et Kidal, totalisant 818.613km2, soit 65% du territoire malien. Dans ce vaste désert on ne recense qu’un dixième de la population totale du Mali, estimée à 14 millions. Les neuf dixième habitent au sud de la boucle du fleuve Niger. En outre, beaucoup de maliens fuient continuellement leur pays trop pauvre, pour émigrer dans les pays voisins et en Europe.
De nombreuses ethnies vivent, dans leurs territoires respectifs, dans une relative cohabitation et sans constituer véritablement une Nation : Bambara (40 %), Peul (14 %), Sénoufo (9 %), Soninké (9 %), Dogon (8 %), Songhaï (7 %), Malinké (6 %), Dioula (3 %), Bwaba (2 %), Touareg, Maure ou Berbère (2 %).
Le Mali compte une trentaine de langues, dont une dizaine parlées par plus de 100.000 personnes, et un enchevêtrement des idiomes locaux comme le doushak, mélange de tamasheq et de songhaï.
Treize langues sont reconnues nationales, mais seul le français bénéficie du statut de langue officielle. Il subit un phénomène de rejet par les maliens qui ont adopté le bambara comme principale langue véhiculaire.
De 1968 à 1974, 1983-1985, 2009-2010, des sécheresses persistantes entraînèrent des famines, tandis que l’État épuisait ses maigres ressources dans les rébellions et un différend frontalier avec le Burkina Faso depuis 1974, qui dégénéra en affrontement armé en 1985.
Il ne faut donc pas s’étonner si les soldats de l’armée malienne n’ont aucune motivation pour défendre un territoire désertique qu’ils ne connaissent pas. A l‘arrivée des redoutables rebelles, ils jettent armes et uniformes pour fuir ou se rendre. C’est ce qui explique la prise spectaculaire de plusieurs villes du Nord par le MNLA en moins d’un mois.
Ce sont des milices de mercenaires maures et touareg, à la solde d’ATT, qui tentent de freiner l’avancée des rebelles.
Les intérêts stratégiques de l’Algérie
Sans la retenue que leur impose implicitement la position officielle algérienne, les rebelles sont capables d’aller jusqu’à Bamako.
Ce statu quo du problème touareg ne peut plus durer et ne sert pas les intérêts de l’Algérie qui supporte depuis 50 ans à grands frais une aide humanitaire, un afflux permanent de réfugiés et d’émigrés clandestins, la contrebande de carburant, les trafics de drogue, d’armes, de cigarettes,…
A tout cela s’est ajouté une insécurité chronique et meurtrière qui s’est introduit et répandue dans tout le Sahara, au point d’anéantir une activité touristique prometteuse à gros potentiel dans le Hoggar, le Tassili et l’Ahnet.
Ce qui doit maintenant inquiéter très sérieusement les décideurs algériens est la lourde menace qui pèse sur la quiétude de l’industrie pétrolière qui a commencé à se développer dans le Grand Sud.
Le champ gazier d’In Salah est déjà en activité. Les champs de Reggane, Timimoun et Adrar vont bientôt être lancés. De nouvelles découvertes importantes sont à prévoir jusqu’aux frontières maliennes et nigériennes. Un grand pôle industriel gazier et pétrolier va se développer dans cette région.
La peur d’une « contagion d’indépendance » qui obsédait des dirigeants algériens à propos du Sahara n’a pas lieu d’être. Après des décennies d’ignorance, de falsification, d’imposture, de propagande baâthiste, on sait maintenant que le Grand Maghreb est Berbère de Tanger à Tombouctou et de Tripoli à Tahoua. Aucun habitant du Sahara algérien n’a jamais eu l’ombre d’un soupçon de séparatisme.
La volonté de rupture avec Bamako est devenu une option radicale pour le MNLA. Un Etat indépendant dans l’Azawad représente une remise en ordre géo-démographique naturelle du Sahara qui a de tout temps constitué une zone tampon entre l’Afrique du Nord et l’Afrique sub-saharienne. Par contre, si l’Etat algérien persiste à ignorer le droit à l’autodétermination des Touareg de l’Azawad, il se rendra complice d’un génocide qui aura de graves répercussions sur notre Sahara.
Dans une célèbre réplique du film Laurence d’Arabie, il est dit que « seules deux créatures peuvent vivre dans le désert : les dieux et les Bédouins ».
Les Touareg de l’Azawad, redevenus maîtres de leur territoire et leur destin, se chargeront de faire cesser aux frontières sud de l’Algérie le terrorisme, l’insécurité et tous les trafics que la mauvaise gouvernance malienne a laissé se développer.
Saad Lounès
Pourquoi donc ne pas l’affirmer aussi clairement et avec force pour le peuple Touareg. Pourquoi l’intégrité territoriale du Mali serait-elle plus « sacrée » que celle du Maroc.
Rappelons que l’Algérie a déjà appliqué ce principe d’autodétermination en jouant le rôle de facilitateur pour l’indépendance de l’Erythrée (121.000 km2 et 5 M d’habitants), séparée de l’Ethiopie en 1993. Elle a également approuvé la scission du Soudan en deux Etats en été 2011.
Ces deux exemples signifient que l’Afrique a cassé le tabou dogmatique sur « l’intangibilité des frontières africaines héritées du colonialisme », énoncés par la Charte de l’OUA à Addis-Abeba en 1963.
Un siècle de rébellion touarègue
Bien avant la création de l’Etat malien, le FLN était déjà en première ligne sur le front de la rébellion touarègue contre l’occupant colonial, entamée au début du siècle. Les moudjahiddines avaient installé des bases de formation à Kidal et Gao. L’actuel président Abdelaziz Bouteflika avait lui-même participé à des collectes de fonds de soutien au FLN, auprès des tribus nomades, de Gao à Tombouctou.
C’est depuis Kidal que Ahmed Draia et ses troupes sont entrés à Tamanrasset, à la proclamation de l’indépendance en 1962, pour hisser le drapeau algérien dans les casernes libérées par les Français.
Le problème de l’Azawad est un problème de décolonisation au même titre que celui du Sahara Occidental. La France coloniale avait rejeté la revendication d’indépendance des Touareg qui refusaient d’intégrer leurs territoires à la Fédération du Mali, ainsi qu’à l’Etat du Niger.
Les chefs des tribus Touareg avaient dénoncé cette nouvelle colonisation par des Etats factices en écrivant au général De Gaulle en 1958. Ils commencèrent à s’armer et se révolter dès 1961. Une première insurrection eut lieu en 1962-1964. Les Touareg subirent une terrible répression qui décima même leurs cheptels et les paralysa durant trente ans.
D’autres rébellions d’envergure ont failli aboutir, en 1990-1992, 1994-1995, et 2006. Mais l’Algérie est toujours intervenue pour imposer un cessez-le-feu et conclure des accords qui n’ont jamais été respectés par Bamako.
Depuis le 17 janvier, le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) mène une grande offensive, bien décidé cette fois à obtenir l’indépendance.
Le président malien, Amadou Toumani Touré, a reconnu sur RFI, le caractère insoluble du problème touareg. Il affirme qu’il se tient « prêt à partir » en dépit de la situation qui prévaut dans le nord du pays : « Cela fait 50 ans que le problème du Nord existe. Nos aînés l’ont géré ; nous le gérons et nos cadets continueront à le gérer. Ce problème ne finira pas demain. »
La diplomatie algérienne, au lieu d’affirmer ses principes, adhère au diktat de la diplomatie française, qui traite l’Algérie comme un « sous-traitant » de la pérennité de sa politique coloniale. Le ministre français de la coopération, Henry De Raincourt, est venu à Alger affirmer son refus de l’autodétermination des Touareg : « Nous soutenons la pérennité du processus engagé le 2 février dernier en Algérie entre le gouvernement malien et les Touareg pour l’examen des moyens de parvenir à un accord dans le cadre de la sauvegarde de la sécurité et l’unité territoriale et la souveraineté du Mali ».
Le Mali est un pays ingérable
Rappelons que les colons ont trituré, selon leur bon vouloir, les frontières et les appellations de cette région depuis le début de l’implantation française en 1850. Les territoires occupés sous le nom de Haut-Sénégal-Niger, sont rebaptisés Soudan français en 1920.
En 1958, le projet de Fédération du Mali regroupe le Soudan français, le Sénégal, la Haute-Volta (Burkina-Faso) et le Dahomey (Bénin).
Après l’éclatement de la fédération, dont sont exclus les Touaregs, l’indépendance du Soudan français est proclamée le 22 septembre 1960, sous le nom de République du Mali.
Le territoire de l’Azawad regroupe les trois régions de Tombouctou, Gao et Kidal, totalisant 818.613km2, soit 65% du territoire malien. Dans ce vaste désert on ne recense qu’un dixième de la population totale du Mali, estimée à 14 millions. Les neuf dixième habitent au sud de la boucle du fleuve Niger. En outre, beaucoup de maliens fuient continuellement leur pays trop pauvre, pour émigrer dans les pays voisins et en Europe.
De nombreuses ethnies vivent, dans leurs territoires respectifs, dans une relative cohabitation et sans constituer véritablement une Nation : Bambara (40 %), Peul (14 %), Sénoufo (9 %), Soninké (9 %), Dogon (8 %), Songhaï (7 %), Malinké (6 %), Dioula (3 %), Bwaba (2 %), Touareg, Maure ou Berbère (2 %).
Le Mali compte une trentaine de langues, dont une dizaine parlées par plus de 100.000 personnes, et un enchevêtrement des idiomes locaux comme le doushak, mélange de tamasheq et de songhaï.
Treize langues sont reconnues nationales, mais seul le français bénéficie du statut de langue officielle. Il subit un phénomène de rejet par les maliens qui ont adopté le bambara comme principale langue véhiculaire.
De 1968 à 1974, 1983-1985, 2009-2010, des sécheresses persistantes entraînèrent des famines, tandis que l’État épuisait ses maigres ressources dans les rébellions et un différend frontalier avec le Burkina Faso depuis 1974, qui dégénéra en affrontement armé en 1985.
Il ne faut donc pas s’étonner si les soldats de l’armée malienne n’ont aucune motivation pour défendre un territoire désertique qu’ils ne connaissent pas. A l‘arrivée des redoutables rebelles, ils jettent armes et uniformes pour fuir ou se rendre. C’est ce qui explique la prise spectaculaire de plusieurs villes du Nord par le MNLA en moins d’un mois.
Ce sont des milices de mercenaires maures et touareg, à la solde d’ATT, qui tentent de freiner l’avancée des rebelles.
Les intérêts stratégiques de l’Algérie
Sans la retenue que leur impose implicitement la position officielle algérienne, les rebelles sont capables d’aller jusqu’à Bamako.
Ce statu quo du problème touareg ne peut plus durer et ne sert pas les intérêts de l’Algérie qui supporte depuis 50 ans à grands frais une aide humanitaire, un afflux permanent de réfugiés et d’émigrés clandestins, la contrebande de carburant, les trafics de drogue, d’armes, de cigarettes,…
A tout cela s’est ajouté une insécurité chronique et meurtrière qui s’est introduit et répandue dans tout le Sahara, au point d’anéantir une activité touristique prometteuse à gros potentiel dans le Hoggar, le Tassili et l’Ahnet.
Ce qui doit maintenant inquiéter très sérieusement les décideurs algériens est la lourde menace qui pèse sur la quiétude de l’industrie pétrolière qui a commencé à se développer dans le Grand Sud.
Le champ gazier d’In Salah est déjà en activité. Les champs de Reggane, Timimoun et Adrar vont bientôt être lancés. De nouvelles découvertes importantes sont à prévoir jusqu’aux frontières maliennes et nigériennes. Un grand pôle industriel gazier et pétrolier va se développer dans cette région.
La peur d’une « contagion d’indépendance » qui obsédait des dirigeants algériens à propos du Sahara n’a pas lieu d’être. Après des décennies d’ignorance, de falsification, d’imposture, de propagande baâthiste, on sait maintenant que le Grand Maghreb est Berbère de Tanger à Tombouctou et de Tripoli à Tahoua. Aucun habitant du Sahara algérien n’a jamais eu l’ombre d’un soupçon de séparatisme.
La volonté de rupture avec Bamako est devenu une option radicale pour le MNLA. Un Etat indépendant dans l’Azawad représente une remise en ordre géo-démographique naturelle du Sahara qui a de tout temps constitué une zone tampon entre l’Afrique du Nord et l’Afrique sub-saharienne. Par contre, si l’Etat algérien persiste à ignorer le droit à l’autodétermination des Touareg de l’Azawad, il se rendra complice d’un génocide qui aura de graves répercussions sur notre Sahara.
Dans une célèbre réplique du film Laurence d’Arabie, il est dit que « seules deux créatures peuvent vivre dans le désert : les dieux et les Bédouins ».
Les Touareg de l’Azawad, redevenus maîtres de leur territoire et leur destin, se chargeront de faire cesser aux frontières sud de l’Algérie le terrorisme, l’insécurité et tous les trafics que la mauvaise gouvernance malienne a laissé se développer.
Saad Lounès