Vous êtes > Annonce top site > L’Azawad et les médias
Pétition
L’Azawad et les médias
A propos du débat diffusé par TV5-Monde, le 17 février 2012.
L’édition du 17 février 2012 du magazine "Afrique Presse", diffusé par TV5Monde, avait évoqué la situation dans l’Azawad. L’émission est une coproduction avec Radio France Internationale. Dans le sommaire de l’émission animée par Denise Epoté, on pouvait lire "Mali : la guerre contre rebellion touareg s’intensifie".
L’association Tamazgha, scandalisée par la façon dont l’émission a été organisée ainsi que par les propos tenus par les invités ainsi que l’animatrice a réagi par une lettre-pétition que nous publions ci-dessous.
Cette émission à sens unique, sur un service public, ne peut ne pas être dénoncée. En plus de cette lettre-pétition de Tamazgha que nous vous invitons à signer nombreuses et nombreux, les initiatives individuelles qui consistent à écrire à la direction de TV5Monde et Radio France Internationale seraient souhaitables.
La Rédaction.
Cette émission à sens unique, sur un service public, ne peut ne pas être dénoncée. En plus de cette lettre-pétition de Tamazgha que nous vous invitons à signer nombreuses et nombreux, les initiatives individuelles qui consistent à écrire à la direction de TV5Monde et Radio France Internationale seraient souhaitables.
La Rédaction.
LETTRE À TV5MONDE
Dans son édition du 17 février 2012, l’émission "Afrique Presse" animée par Denise Epoté, il était question de la situation dans l’Azawad.
Si nous nous réjouissons que TV5Monde s’intéresse à une question que les médias passent pratiquement sous silence, nous déplorons par ailleurs la façon dont les faits ont été présentés.
Comme il était question d’un débat, on s’attendait à ce que ce celui-ci soit contradictoire et que différents points de vue sur le sujet soient exprimés. Cependant, il est déplorable de constater que l’émission était à sens unique.
Les débatteurs, comme par hasard, avaient tous la même position quant à l’action du MNLA (Mouvement national pour l’indépendance de l’Azawad), que certains d’entre eux ont honteusement qualifié de bandits armés ultra minoritaires et qu’ils n’ont pas hésité à réduire à quelques 400 hommes revenus de Libye avec armes et bagages.
L’étique journalistique aurait exigé l’invitation, sur le même plateau, de personnes pour défendre le point de vue du MNLA. Les téléspectateurs de ce service public n’ont-ils pas droit à une information équilibrée, émanant des différentes parties en conflit ? A moins que l’assemblée que madame Denise Epoté a réunie détient toutes les vérités ?
Des propos diffamatoires tenus par les débatteurs de l’émission au sujet du peuple touareg sont allés jusqu’à proférer des propos aux relents racistes à l’égard des Touaregs et des Berbères en général. Tout cela est diffusé sur les ondes d’une télévision financée par les deniers publics. A-t-on le droit d’utiliser ce service public pour manipuler l’opinion, colporter des mensonges et stigmatiser une population ?
L’émission commence par la diffusion des propos du ministre malien des affaires étrangères qui, toute honte bue, a osé affirmer, avec mépris, que "l’Azawad ne repose sur aucune réalité ni géographique, ni historique, ni sociale, ni géopolitique". N’avons-nous pas entendu l’élite africaine crier au scandale lorsque le Président Sarkozy, lors de son discours à Dakar, au Sénégal, avait déclaré que "l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire" ?
Monsieur Thiambel Guimbayara, de la Voix du Mali, qualifie les combattants du MNLA d’"irréductibles séparatistes au Nord qui sont très minoritaires" avant de poursuivre par"cette petite minorité a des accointances avec AQMI, par des liens de mariage et par des liens d’échanges […]".
Ce mensonge concernant les liens matrimoniaux, qui existeraient entre les Touaregs et des membres d’AQMI, a été également repris par monsieur Pierre Cherruau, de Slate Afrique, qui rajoute qu’"il existe entre les deux parties des alliances assez fortes". Monsieur Cherruau n’hésite pas à aggraver son cas lorsqu’il récidive quelques secondes plus tard avec cette ineptie : "il y a un lien culturel et linguistique puisque les populations touarègues sont berbérophones, et il y a un certain nombre de membres d’AQMI qui viennent d’Algérie qui eux-mêmes sont berbérophones, donc il y a aussi une ère culturelle et linguistique qui existe". Doit-on comprendre que, selon M. Cherruau, les Berbères seraient des terroristes ?
Ce mensonge concernant les liens matrimoniaux, qui existeraient entre les Touaregs et des membres d’AQMI, a été également repris par monsieur Pierre Cherruau, de Slate Afrique, qui rajoute qu’"il existe entre les deux parties des alliances assez fortes". Monsieur Cherruau n’hésite pas à aggraver son cas lorsqu’il récidive quelques secondes plus tard avec cette ineptie : "il y a un lien culturel et linguistique puisque les populations touarègues sont berbérophones, et il y a un certain nombre de membres d’AQMI qui viennent d’Algérie qui eux-mêmes sont berbérophones, donc il y a aussi une ère culturelle et linguistique qui existe". Doit-on comprendre que, selon M. Cherruau, les Berbères seraient des terroristes ?
Monsieur Assane Diop, de Radio France International, n’a pu cacher la haine qu’il couve vis-à-vis des Berbères lorsqu’il affirme ceci, en parlant du président mauritanien : "Je crois qu’Abdelaziz aura quelque part davantage d’élan de solidarité avec les Berbérophones qu’avec, si je puis dire, les négro-africains." Bien sûr, Monsieur Diop se place dans le "clan" des négro-africains, comme il le dit. C’est certainement une idée profonde, qui hélas le trahit, selon laquelle les Berbères, en particulier les Touaregs, ne méritent que domination.
L’animatrice de l’émission, madame Denise Epoté, n’était elle même pas en reste. Elle a pitoyablement frôlé le ridicule lorsqu’elle a affirmé que "d’un côté, nous avons des rebelles lourdement armés et en face une armée malienne totalement démunie". Madame Epoté n’était-elle pas informée des raids effectués par l’aviation malienne sur des campements de civils ? Si les déclarations du MNLA à ce sujet ne vous semblent pas être dignes de crédibilité, peut-être que les déclarations d’Amnesty International et Médecins sans frontières pourraient vous convaincre. Une fille de quatre ans est mortellement blessée par un obus de cette aviation malienne. N’est-ce pas là un crime contre l’humanité ?
Apparemment, les vies des gens n’ont pas les mêmes valeurs pour Mme Epoté.
Apparemment, les vies des gens n’ont pas les mêmes valeurs pour Mme Epoté.
Il faudrait peut-être rappeler à nos illuminés "intellos", qui prétendent défendre l’Afrique, que le mot "Afrique" vient de la déesse Africa, déesse berbère de l’agriculture (voir pièce de monnaie de l’Afrique romaine de l’empereur Hadrien). Ce nom est attribué par les Romains exclusivement à l’Afrique du nord, pays des Berbères. Contre toute raison, aujourd’hui, le continent africain exclut, par un nouveau limes, la partie nord surnommée honteusement "Maghreb". Comme dirait Kateb Yacine "L’Afrique a perdu le nord". Sachez, messieurs les intellectuels que nous ne sommes pas "maghrébins", mais que nous sommes Africains autant que vous et que nous comptons réaliser le rêve du roi berbère Massinissa [1] qui disait, il y a de cela vingt-et-un siècles : "L’Afrique aux Africains !". Voilà pour la petite histoire. Quant à la grande histoire concernant l’Azawad qui, selon toute vraisemblance, vous mine le moral, est une partie du pays amazigh, et il est bel et bien une entité géographique millénaire. S’il y a une entité géographique établie dans l’espace sahélo-saharien, c’est bien l’Azawad, le reste n’est que désert. Cet Azawad qui, depuis au moins six siècles, fait l’objet de nombreuses recherches (de l’époque de Tombouctou à l’époque moderne en passant par Charles de Faucould). L’Azawad (Azawak/Azawagh) s’étend sur une région trois fois plus grande que la France : de Ghadamès jusqu’à Tombouctou. C’est le pays des Touaregs sédentaires. Oui, mesdames et messieurs, le Touareg n’est pas l’homme bleu des cartes postales, perché sur le dos d’un chameau et qui ère comme un apatride. Le Touareg de l’Azawad est un constructeur qui a bâti sa civilisation autour du puits, qui maîtrise les techniques d’irrigation dans les oasis et qui a été pendant longtemps un acteur incontournable dans le commerce transaharien.
Faudrait-il rappeler à nos illustres intellectuels, qui veulent s’approprier l’Afrique, que la société touarègue est connue pour la place qu’elle réserve à la femme. Cette dernière jouit d’une liberté comme, peut-être, jamais aucune autre femme n’a connu ailleurs (rappelez-vous de la reine Tin-Hinan). La femme touarègue que MM. Guimbayara et Cherrueau veulent réduire à une marchandise qu’on "donne" à des criminels djihadistes, venus conquérir le territoire touareg !
Pour conclure, nous exigeons auprès des responsables de TV5Monde réparation quant au préjudice subie, à travers cette émission, par les Touaregs, les Berbères et l’opinion publique : les premiers, victimes de diffamation et la seconde de désinformation. Nous souhaitons, vivement, qu’à l’avenir votre média usera d’impartialité et d’étique dans le traitement de l’information relative au sujet sensible de l’Azawad.
Avec nos cordiales salutations.
Tamazgha, le 27 février 2012.
Tamazgha, le 27 février 2012.
Pour écrire à la direction TV5Monde :
TV5MONDE
131, avenue de Wagram 75017
Paris - France
Réagir sur le site de TV5 Monde
Journaliste indépendant
Correspondant à Paris de La voix du Mali
Radio France International
Directeur de la rédaction du site d’information SlateAfrique.com.
[1] Massinissa (-238, -148) est roi de Numidie.