Voulez-vous présenter votre mouvement à nos lecteurs ?
Moussa AG Assarid :Permettez-moi avant tout de déplorer le traitement médiatique qui est fait de ce mouvement que l’on présente comme des bandits armés. Il y a certainement en cela une carence en communication de la part du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ce qui a permit à la communication gouvernementale de prendre le dessus. Le MNLA est un mouvement politique, mais nous avons vu les limites du politique, ce qui nous a conduit à ajouter une composante militaire. C’est une suite d’événements qui ont fait du MNLA un mouvement politique révolutionnaire. Il comprend tous les déçus du mouvement politique, des intellectuels, de jeunes diplômés chômeurs. Il ne comprend pas que des touaregs mais d’autres communautés : arabes, peuls, sonraïs etc…
Nous nous battons pour la reconnaissance de l’autodétermination et l’indépendance de l’Azawad. Le 1er novembre 2010, il y a eu la naissance d’une association politique, le Mouvement Nationl de l’Azawad qui regroupait de jeunes ressortissants du Nord Mali. Ces jeunes voulaient se battre sur le terrain démocratique, mais ils ont subi la répression des services secrets maliens. Si nous remontons plus loin dans l’histoire, le premier mouvement qui s’appelait Mouvement Populaire de l’Azawad qui prônait l’indépendance a été réprimée dans le sang. Accusé de complicité avec cette rébellion, mon père a été arrêté et emprisonné six ans durant de 1963 à 1972. En 1990, naquit la deuxième rébellion. Elle fut également réprimée dans le sang. Ce qui a mis fin à cette rébellion, ce sont les massacres des populations par l’armée malienne. Elle a monté le mouvement Gandakoye qu’elle a utilisé pour frapper les populations touarègues.
Les accords d’alors ont été littéralement arrachés par le pouvoir malien. C’est ainsi que les armes avaient été rendues. 2006, c’est la rébellion de AG Bahanga et d’autres petits mouvements nés du non respect de l’accord national. Cette rébellion là a aussi accouché des accords d’Alger, et chaque fois c’est la même chose. Nous avons tiré leçon de tout cela et nous avons fédéré toutes les communautés du Nord à notre lutte. La répression de l’armée malienne contre les touaregs avait poussé nombre d’entre eux en Libye et en Algérie. Il y en a qui ont intégré l’armée de Kadhafi. Avec ce qui s’est passé là-bas, certains ont refusé de combattre les révolutionnaires libyens et ont rejoint le Mali. Le MNLA a accueilli c’est vrai d’anciens combattants de l’armée libyenne mais aussi de nombreux déserteurs de l’armée malienne. Parmi ceux qui sont rentrés de Libye il y’ en a un qui dirigeait l’armée du sud Libye. Ce dernier nous a rejoint avec des armes.
Le mali n’a pas de frontière avec la Libye. Comment ces combattants ont pu rentrer sans être inquiétés ?
Les gens du désert ne connaissent pas les frontières. Impossible de mettre des barbelés dans le désert. Comment les gens d’Aqmi qui sont des algériens ont pu s’établir au Mali ? J’observe simplement qu’au Niger, plusieurs caravanes de compatriotes venus de Libye y ont été bien accueillis. Au Mali, on les a traités de tous les maux. ATT quant à lui a agi comme il sait le faire. Il a dressé les tribus les unes contre les autres.
Quelle est la situation sur le terrain ?
Permettez-moi d’user de votre organe pour présenter nos condoléances aux parents de toutes les victimes. Depuis le 17 janvier, il y a eu des blessés et des morts de tous les côtés. La stratégie du MNLA est : primo d’éviter autant que faire se peut qu’il y ait mort d’homme, deusio d’épargner les populations civiles. Nous occupons à 100%, quatre localités situées aux frontières du Niger, de la Mauritanie et de l’Algérie. Notre objectif est de remonter les capitales régionales, Tombouctou, Gao et Kidal. Il y a un front autonome dans chacune de ces régions qui remonte vers la capitale régionale. Nous ne cherchons pas à ôter des vies humaines gratuitement. Celui qui dépose les armes est traité comme un prisonnier de guerre. J’ai personnellement visité des camps mobiles récemment et les prisonniers sont bien traités. Si lors des attaques des casernes, des militaires prennent la fuite, nos combattants ne les poursuivent pas. Notre cible c’est l’armée d’occupation du Mali. Le MNLA installe dans chaque territoire conquis une administration.
Vos rapports avec Aqmi ?
Nous n’avons aucun rapport avec Aqmi. Nous n’avons pas d’idéologie religieuse. Nous souhaitons mettre en place une république laïque, la république laïque de l’Azawad. Nous entendons mettre fin à la criminalité qui sévit dans l’Azawad. Nous invitons tous ceux qui veulent lutter contre la criminalité transfrontalière à s’adresser au MNLA. Nous considérons les pays frontaliers comme des pays amis et frères. Les citoyens maliens sont nos frères. Nous ne revendiquons que le droit de vivre sur notre territoire.
Avez-vous les moyens de vos objectifs ?
Je pense que oui. Les officiers maliens parlent de repli tactique ou stratégique pour masquer leur fuite. Dans la région de Kidal, il n’y a plus que la caserne de Tessalit. Nous l’avons d’ailleurs épargnée parce que nous avons découvert que ce sont des algériens qui y sont. Dans la région de Tombouctou, il n’y a plu que Niafunké où se trouve un camp. Dans la région de Gao, il n’y a que la ville garnison de Gao. L’armée n’existe que dans les chefs-lieux de région. C’est pourquoi nous ne visons que les villes garnison. Je veux dire à nos frères songhoïs, arabes, peuls, bozos que nous partageons la même histoire et les mêmes souffrances. Pour ceux qui hésitent, la décision ce n’est pas de prendre les armes mais plutôt de rester calmes et sereins. Nous voulons à tout prix éviter une guerre ethnique. Pour répondre à votre question, nos premiers moyens ce sont les hommes.
Il y a environ 300 déserteurs par jour qui nous rejoignent. Nous avons aussi l’armement qu’il faut, mais nous souhaitons ne pas avoir à utiliser l’armement lourd. Certes nous sommes moins nombreux que l’armée malienne mais nous avons une idéologie. Nous avons perdu tellement de parents du fait des répressions successives de l’armée malienne, que nous n’avons plus rien à perdre. Les combattants du MNLA n’ont pas de salaires mais ils tiennent grâce à leur idéal. Les soldats maliens n’ont que des salaires à défendre. Voilà pourquoi ils fuient. Le MNLA n’est plus pour des accords qui ne mènent nulle part. Où nous sommes enterrés sur notre terre, où nous vivons libres et dignes sur notre terre.
Espérez-vous quelque chose du Burkina ?
Je voudrais remercier le Burkina mais aussi l’Algérie et le Niger pour l’hospitalité donnée à nos compatriotes. Le Burkina est un pays de paix, Blaise Compaoré est un sage d’Afrique. Il y a beaucoup de réfugiés au Burkina, en majorité des touaregs et des arabes. Je déplore une chose : que ATT après avoir collaboré avec Aqmi et les trafiquants de drogue ait incité des communautés à saccager des biens appartenant à des maliens à peau claire. Il a invité les maliens à ne pas faire d’amalgame mais vous remarquerez qu’il n’a même pas condamné ces exactions. Parmi ceux dont les maisons ont été saccagées, il y a le ministre Zakiatou dont la maison a été entièrement détruite. Ces gens là ont tout donné au Mali. Le ministre malien de l’agriculture, un touareg s’est réfugié à Ouagadougou où il habite chez des parents. Ça veut dire que nous n’avons jamais été maliens.
Il y a un salon du livre au mali qui s’appelle le festival…, je n’y ai jamais été invité. Aucun de mes films(il y en a 13) n’est jamais passé au Mali. Ceux qui dans l’armée malienne ont péri dans cette guerre sont des militaires à peau claire qui ont même refusé de rejoindre le MNLA. Hier, (l’entretien a eu lieu le 9 février) des avions de combat maliens jetaient des bombes sur des colonnes de civils en fuite à 20km de Kidal. C’est vraiment le désarroi dans cette armée qui a perdu tout sens du discernement.
Etes-vous en contact avec le gouvernement malien ?
Non. Nous sommes d’accord pour des contacts mais sur deux points : l’autodétermination et l’indépendance. La classe politique malienne est en train d’organiser un forum de la paix, mais c’est une mascarade. D’ailleurs, comment les membres du MNLA pourraient-ils s’y rendre ?
Interview réalisée par Germain B. Nama
L’Evénement