samedi 23 janvier 2016

Vendredi, 22 Janvier 2016 15:39

L'entrée en fonction du gouvernement d'union libyen cruciale pour l'avenir du pays

    L'entrée en fonction du gouvernement d'union libyen cruciale pour l'avenir du pays
    TRIPOLI - Le Parlement libyen de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale doit se réunir dans les prochains jours pour approuver la composition du gouvernement d'union nationale pour qu'il entre en fonction.
    Le nouveau gouvernement, annoncé le 19 janvier, après un long processus, a pour mission de rassembler les factions rivales du pays dans le cadre d'un plan soutenu par les Nations unies, en ce moment crucial pour sortir de la crise politique et sécuritaire qui le secoue depuis la chute de l'ancien régime en 2011, en plus d'une grave crise économique.
    Mais sans la bénédiction de l'ensemble de la population, il sera difficile pour le nouveau staff gouvernemental de régner sur l'ensemble du pays dirigé depuis 2014, par deux gouvernements et parlements rivaux, les uns basés à Tripoli, et les autres les seuls reconnus par la communauté internationale dans l'Est.
    La nouvelle équipe, composée de 32 ministres représentant trois régions, Barka, Fezzan et Tripoli et dirigée par l'homme d'affaires tripolitain Fayez el Serraj, doit avant d'entrer en fonction être approuvée par une majorité des deux tiers au sein du Parlement reconnu, qui a échoué à deux reprises à tenir une séance en l'absence de quorum.
    Ce gouvernement, constitué après consultation pendant plusieurs semaines d'une commission ad hoc mise en place après l'accord politique du 17 décembre, a siégé à l'étranger, à Tunis.
    Il va falloir attendre qu'un certain nombre de parlementaires présents en Tunisie ou en Egypte pour des raisons de sécurité acceptent de rentrer à Tobrouk, de siéger et ratifier l'accord parrainé par les Nations unies, et voter les pouvoirs du gouvernement d'union, selon les médias libyens.
    S'il devient opérationnel, ce sera une étape importante pour la stabilisation du pays, qui pourrait efficacement faire reculer le groupe terroriste autoproclamé Etat islamique (EI/Daech), qui jusqu'à présent prospère en raison du vide institutionnel et politique dans le pays.
    Le gouvernement formé après un long processus
    Le processus a été long et compliqué. En tous les Nations unies ont envoyé trois envoyés spéciaux en Libye dont le dernier en date Martin Kobler, a pressé le parlement de Tobrouk d'approuver la composante du nouveau gouvernement.
    Le plan d'accord des Nations unies a été arraché aux différentes parties sans consensus au préalable de toutes les parties et notamment des chefs de tribus qui sont de grands notables incontournables dans la construction de la paix en Libye.
    En décembre, des membres du parlement de Tobrouk et du Congrès général national (CGN, ex-Parlement) basé à Tripoli, et de la société civile avaient signé l'accord politique qui a confié au conseil présidentiel, de neuf membres, la mission de désigner dans un délai d'un mois un gouvernement d'union que le Conseil de sécurité de l'ONU devra appuyer par l'adoption d'une résolution.
    Par la suite, le gouvernement désigné a entamé ses fonctions de façon provisoire depuis la capitale tunisienne, en attendant de régler les questions sécuritaires pour s'installer ensuite à Tripoli.
    L'accord politique, qui n'a pas été ratifié par les deux chambres libyennes, prévoit notamment la formation d'un gouvernement d'union basé à Tripoli et d'un conseil présidentiel d'une transition de deux ans qui devrait s'achever par la tenue des élections.
    Composante du gouvernement
    D'après la composante du gouvernement d'unité nationale, le porte-feuille de la Défense est revenu à al Mehdi Ibrahim al Bourghouthi, celui de la Justice à Abdesselam al Djenidi et l'Intérieur à al Aaref al Khodja. Celui des Affaires étrangères a été confié à Marwan Ousriouil, le ministère de la Coopération internationale à Mahmoud Faraj, et le ministère des Finances à Taha Mohamed Sarkaz.
    Seuls sept des neuf membres du Conseil présidentiel ont signé le document, qui porte nomination de 32 ministres, en raison de dissensions sur l'attribution des portefeuilles. On ignore encore comment et quand le nouveau gouvernement sera à même d'installer ses quartiers en Libye.
    Tripoli est contrôlée par une faction dite "Aube de la Libye", proche des islamistes, et le chef du gouvernement autoproclamé et soutenu par cette faction, a jugé que les préparatifs entrepris par le Conseil présidentiel pour sécuriser la capitale "violaient les lois militaires".
    La question de la représentativité délicate
    La question de la représentativité du gouvernement est délicate: aucun des deux parlements, des deux gouvernements n'était prêt à faire de grandes concessions. L'accord actuel est le plus abouti même s'il reste évolutif.
    Trente-deux noms pour contenter trois groupes ethniques, quelque 20 tribus principales, trois provinces et deux entités politiques rivales. Alors que la liste n'avait pas encore été révélée, deux membres du Conseil présidentiel en charge des nominations démissionnaient. L'un parce que les régions de l'Ouest n'étaient pas assez représentées, l'autre parce que le général Khalifa Haftar, qui soutient le Parlement de Tobrouk dans la lutte contre Daech dans l'est libyen, était écarté.
    Haftar, issu de l'ancien régime et dont un de ses proches vient d'être nommé ministre de la Défense, est perçu comme un potentiel allié de poids pour lutter contre l'organisation Etat islamique, une urgence absolue, autant pour le nouveau gouvernement que pour la communauté internationale.
    Dans le nouveau gouvernement, des pro-fédéralistes de la Cyrénaïque côtoient des ministres proches des Frères musulmans. Mais l'amalgame laisse dubitatif, surtout que la majorité des ministres sont des inconnus.
    Les grandes tribus se considèrent marginalisées
    Les grandes tribus se considèrent marginalisées, à commencer par les Warfalla qui se disent discriminés car la tribu s'est rangée au côté de l'ancien régime pendant la révolution. Les ethnies touboue et touarègue sont présentes mais estiment que leur cause ne serait "pas entendue par un gouvernement à dominante arabe", tandis que les "modérés" de la ville de Misrata et la communauté internationale se sont réjouis de l'annonce du gouvernement d'union.
    La coalition Aube de Libye, dominée par des hommes de la ville de Misrata, a vu un homme "acquis à sa cause" nommé au poste de ministre de l’Intérieur. Mais les milices de Zinten à l'ouest de la capitale n'ont eu aucune représentation. Ces milices régnaient sur l'aéroport international avant d'en être chassées en 2014.
    En revanche, 260 personnalités du "grand Tripoli" ont affirmé jeudi, dans un communiqué signé par ses forces nationales libyennes, leur soutien au gouvernement d'union nationale "comme le seule moyen de sortir la Libye de sa crise actuelle".
    http://www.aps.dz/monde/35327-l-entr%C3%A9e-en-fonction-du-gouvernement-d-union-libyen-cruciale-pour-l-avenir-du-pays

    LES BLOGS
    Des points de vue et des analyses approfondis de l'actualité grâce aux contributeurs du Huffington Post
    Guillaume Larabi Headshot

    Barkhane risque le grand écart

    Publication: Mis à jour: 
    Imprimer
    L'attaque sanglante de l'Hôtel Splendid à Ouagadougou le 15 janvier 2016 a de nouveau endeuillé le Sahel et le monde. Mais l'enlèvement de deux Australiens le même jour est un signe bien plus inquiétant. Le Sénégal, la Guinée, le Burkina Faso et le nord de la Côte d'Ivoire apparaissent dans le viseur d'AQMI. Ce troisième point d'ancrage jihadiste, inédit dans ce coin de la bande soudano-guinéenne (1), pourrait ouvrir cette région francophone et très peuplée à la pénétration terroriste.
    Le terme convenu de BSS (bande sahélo-saharienne) pour désigner la zone d'action de Barkhane va progressivement se transformer en B3S: Bande Soudano-Sahélo-Saharienne. Un triangle jihadiste transsahélien, de plusieurs milliers de kilomètres, insoutenable pour les 3500 soldats français, relie désormais la Libye de l'Etat islamique et le bassin du Lac Tchad (où sévit Boko Haram) à la périphérie méridionale du Mali.
    2016-01-22-1453459448-706084-3.CarteTriangletranssaharien_LARABI.jpg
    Le pari d'AQMI en passe d'être gagné
    Depuis 2013, AQMI a survécu en se fondant dans les populations touarègue, arabe et peule du Mali. Evoluant tels des bergers à pied ou à moto, ils harcèlent l'armée malienne en reconstruction, la MINUSMA et leurs concurrents islamo-mafieux. En quittant l'Azawad pour le Sud libyen en 2013, AQMI a effectué un repli stratégique ponctuel, vital, à l'abri (momentané) de l'action militaire internationale. Son pari paie aujourd'hui et sa résurgence devient possible.
    En 2014, 40 attaques liées à AQMI (2) ont été comptabilisées au Mali. En 2015, on y déplore 98 attaques et trois au Burkina Faso dont le premier enlèvement d'un Occidental depuis 2013. Ces trois dernières semaines, AQMI a déjà frappé six fois, essentiellement des cibles à haute valeur ajoutée: une Suissesse enlevée à Tombouctou le 8 janvier, l'attaque à Ouagadougou et, plus discrètement, le rapt de deux Australiens dans le Nord burkinabé le 15 janvier.
    2016-01-22-1453459567-7006881-4.CarteatksAQMIauMali201416_LARABI.jpg
    Mokhtar Belmokhtar pénètre un nouvel espace au sud du Mali
    Cette recrudescence est d'autant plus inquiétante que l'enlèvement d'étrangers constitue un mode opératoire bien plus complexe que la pose d'une bombe ou qu'une attaque suicide à la kalachnikov. Préparation, extrême minutie et coordination entre des équipes dissociées sont de rigueur. En annonçant que l'Emirat du Sahara les a enlevés au nom d'AQMI, Ansar Dine négociera sûrement leur libération. Le bras armé d'AQMI au Mali, Al-Mourabitoune, devrait les garder sous son emprise, si son chef Mokhtar Belmokhtar n'a pas sous-traité la gestion des otages au Front de Libération du Macina, qui revendique un califat peul du sud-est mauritanien au nord burkinabé.
    D'évidence, Mokhtar Belmokhtar a su réactiver ses cellules d'Afrique noire, lui le seul Arabe à posséder autant d'influence au sud du fleuve Niger. Il n'en est pas à son coup d'essai: In Amenas en 2013, Bamako en 2015 portent sa signature. Depuis son retour au sein d'AQMI le 5 décembre 2015, il s'affirme comme le grand chef de guerre d'une région qui s'étend toujours plus au sud du Mali. En fin stratège, il a su saisir une opportunité de taille: les troupes d'élite du Burkina Faso ont été démantelées suite à la tentative de putsch de septembre 2015. Et le choix d'un commando local (3) et inédit (deux femmes présumées) ajoute à la discrétion. D'ailleurs, aucun dispositif sécuritaire ne peut constituer une parade certaine à de telles attaques-suicides. Paris en est un exemple criant.
    AQMI ne contourne pas une illusoire "ligne Maginot". AQMI survit à la pression de Barkhane et de l'Etat islamique
    Considérer cette poussée terroriste comme le contournement d'une « ligne Maginot » au Sahel est une illusion dangereuse. Illusion car elle nourrit l'image d'Epinal de soldats statiques, coudes à coudes face au Nord, aveugles sur leurs flancs. Dangereuse car elle occulte la raison d'être de Barkhane, sa mission et sa vraie nature. Sa raison d'être tient à la terrible loi de l'arithmétique financière: le souci d'efficience extrême s'est traduit par 3500 soldats (moins qu'au Mali en 2013) déployés dans une immensité plus grande que l'Europe. Sa mission est d'essence partenariale: "appuyer les forces armées des pays partenaires de la BSS" par un réseau opératif de Nouakchott à N'Djamena, de Madama à Ouagadougou. La vraie nature de Barkhane est d'être une opération dispersée et non linéaire où les unités, mobiles et capables de surprendre un adversaire fugace, combattent à 360°. Barkhane y parvient mais use son parc aérien, vital, jusqu'à la corde.
    De fait, AQMI n'a pas le choix. Au nord, la Libye, voire la côte de la Tunisie au Sinaï, lui est vivement contestée par l'Etat islamique. A l'ouest, l'Algérie maintient 40.000 soldats à ses frontières. Au centre du Sahel, tous ses convois sont frappés (10 terroristes d'Al Mourabitoune ont encore été neutralisés à Ménaka au Mali le 20 décembre 2015). Les opérations du G5 Sahel appuyées par la France ratissent les zones rouges et brisent son réseau logistique. La pression a si bien réduit sa liberté d'action qu'AQMI approche désormais la frontière ivoirienne (4).
    Comment éviter l'écartèlement? (5)
    Barkhane devra réagir car, de fait, le Burkina Faso appartient au G5 Sahel et accueille nos forces spéciales. De plus, la pénétration jihadiste des sociétés noires au sud du Sahel, dont l'islam s'est adapté aux traditions locales aux côtés des chrétiens, serait particulièrement dangereuse tant leur imbrication est forte. Enfin, l'espace du Sénégal au Burkina Faso, francophone, comprend des alliés de poids: Dakar et Abidjan.
    Un retrait des bases actuelles serait contre-productif. Les 1200 hommes de N'Djamena au Tchad contiendront bientôt la menace en Libye. L'allègement des 1000 hommes de Gao au Mali constituerait une victoire stratégique pour AQMI, dont le fief de l'Adrar des Ifoghas est à portée, et une aubaine pour tous les trafiquants.
    Une réorientation partielle des opérations semble plus appropriée. Profitant de la baisse conjoncturelle des attaques dans l'Azawad, des opérations d'envergure, comme Vignemale en novembre, pourraient reproduire le travail de sape du réseau logistique jihadiste, cette fois-ci au Burkina Faso.
    Ailleurs, l'intégration au G5 Sahel semble un préalable. C'est bien l'intérêt du Sénégal qui peut se montrer légitimement inquiet: la Gambie, enclave le coupant presque en deux, s'est récemment proclamée "Etat islamique". Un nouveau groupement tactique dans sa partie orientale, à Tambacounda par exemple, permettrait de sécuriser ses frontières, avant que la Guinée et la Côte d'Ivoire ne rejoignent un éventuel "G8 du Sahel". Si les logiques nationales ne le permettaient pas - logiques qui ont été fatales à l'Etat malien en 2012, la France pourrait anticiper la menace par une nouvelle base restant dans le cadre du G5 Sahel, vers Bamako par exemple.
    Après Ouagadougou, Niamey tremble légitimement. Toutefois, par « l'Etat islamique » voisin, par la présence de forces françaises, par son image de Porte occidentale de l'Afrique, Dakar pourrait bien constituer la prochaine cible d'AQMI. Une attaque hautement médiatique y parachèverait l'implantation d'un triangle jihadiste transsahélien reliant la région guinéenne à la Libye et au Nigéria. En écartelant Barkhane, elle offrirait aux jihadistes une pression diminuée au Sahel et en Libye, et offrirait un champ exploratoire nouveau, mais prometteur, aux métastases islamistes. Alors que la réponse en 2013 s'est faite dans une urgence absolue, l'anticipation est encore possible. Trois pistes se dégagent. Elargir le G5 Sahel au Sénégal puis à la Guinée et à la Côte d'Ivoire. Etendre de facto la zone d'action de Barkhane à la Bande Soudano-Sahélo-Saharienne (B3S). Renforcer logiquement la B3S d'un troisième groupement tactique. Alors que nos efforts sur le sol national, en Syrie et bientôt face à la Libye redoublent, la question des unités disponibles se pose de manière criante. "Réduire la déflation" des effectifs militaires pourrait ne pas suffire.
    _______________________
    (1) On distingue en Afrique de l'ouest deux grandes zones climatiques (cf. carte): la bande sahélo-saharienne (de la Mauritanie au Tchad) inclut le Nord Mali et la bande soudano-guinéenne (de la Gambie au Nord Cameroun) inclut le Sud Mali (dont Bamako) et la majeure partie du Burkina Faso (dont Ouagadougou).
    (2) Caleb WEISS, Al Qaeda-linked attacks in Mali and neighboring countries since 2014, carte conçue pour The Long War Journal 
    (3) Les noms des trois assaillants neutralisés comportent l'appellation "al-Ansari", ce qui 
    signifie "autochtone"
    (4) Laurent LAGNEAU, Des renforts militaires envoyés dans le nord de la Côte d'Ivoire pour contrer 
    la menace jihadiste, blog Opex 360, 30 juin 2015
    (5) La conclusion prospective de Jihâd au Sahel propose trois scénarios pour le Sahel en 2020. Le 
    scénario de "La déstabilisation centrifuge" précise ce risque (pp. 177-179).
    2016-01-22-1453459872-4943813-GuillaumeLarabicouv.jpg
    Olivier Hanne & Guillaume Larabi - 
    Jihâd au Sahel .Menaces, opération Barkhane, coopération régionale - Ed. Bernard Giovannangeli
    huff
    Lire aussi:
    • Retrouvez-nous sur notre page Facebook
    Également sur Le HuffPost:
     
    CONTENUS SPONSORISÉS