Beaucoup de Libye et d’économie, peu de droits de l’homme. La visite, mercredi à Paris, du président égyptien, Abdel Fatah al-Sissi, la première depuis sa prise de pouvoir en juillet 2013, marque la «normalisation», selon un proche du dossier, des relations entre l’Egypte et la France après le chaos de la révolution et de la contre-révolution.
Dérive. Mais plus encore que la poursuite du processus de transition démocratique, malmené par la répression sans merci menée contre les Frères musulmans, la Libye s’est imposée comme principal thème de discussion. Aussi bien Paris que Le Caire s’inquiètent de la dérive d’un pays sans pouvoir central qui risque de devenir un havre pour jihadistes. Cette menace est prise très au sérieux par l’Egypte, qui partage plus de 1 000 kilomètres de frontière avec la Libye. L’armée égyptienne ne la contrôle que très vaguement et craint un afflux d’armes et de combattants dans le Sinaï, où vient de s’implanter l’Etat islamique.
Pour contrer ce risque jihadiste, l’Egypte s’implique de plus en plus ouvertement en Libye. Les Etats-Unis sont convaincus qu’elle a offert un soutien logistique aux avions des Emirats arabes unis qui ont bombardé des milices islamistes cet été à Tripoli.
Si «aucune coopération militaire» avec la France en Libye n’a été évoquée lors de la visite d’Al-Sissi, selon une source diplomatique, la vente d’avions Rafale pour remplacer les Mirage vieillissants de la flotte aérienne égyptienne devait être discutée. Cet été, le constructeur naval français DCNS a déjà signé un contrat estimé à un milliard d’euros pour fournir quatre corvettes Gowind à la marine égyptienne. Des accords pour le métro du Caire et avec l’Agence française de développement ont par ailleurs été signés mercredi.
Prison. Al-Sissi a de son côté exhorté les touristes français à revenir en Egypte :«Vous n’avez rien à craindre. […] Vous ne voyez pas combien le peuple égyptien aime ses invités !» Le Président n’a en revanche pas commenté les condamnations de deux à cinq ans de prison prononcées mercredi contre 78 mineurs qui avaient manifesté pour le retour de Mohamed Morsi, l’ex-président islamiste destitué par l’armée en juillet 2013. Au total, la répression contre les Frères musulmans a fait plus de 1 400 morts et conduit 15 000 personnes en prison. Le sujet a, selon un diplomate, été «évoqué» mercredi à Paris.
Luc MATHIEU