samedi 1 mars 2014

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Un an après « Serval », les djihadistes sont de retour au Mali

LE MONDE | Jacques Follorou
Un an après l’opération militaire « Serval » contre les djihadistes au Mali, les signes inquiétants se multiplient dans le nord malien sur le retour de ceux que la France était censée avoir chassé.
Selon des sources locales mais aussi sécuritaires, issues du renseignement et des armées, les djihadistes ont repris pied dans un certain nombre de zones, réparties sur l’ensemble du nord du Mali.
Sous la pression des islamistes, des familles qui ne comptaient pas parmi leurs soutiens ont dû quitter leurs villages. Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) mène par ailleurs depuis six mois une campagne d’assassinats ciblés contre ceux qui ont aidé l’armée française sur le sol malien, en particulier des cadres touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Une dizaine de membres – ou des proches – du MNLA ont déjà été tués.
Enfin, la répétition d’incidents contre les forces françaises, tchadiennes ou maliennes – sous forme d’attentats-suicides, de tirs de roquettes ou d’armes légères, de pose de mines – ne laissent pas d’inquiéter, alors que la force internationale au Mali, la Minusma, a déployé 6 000 hommes sur le terrain.
UN HÉLICOPTÈRE FRANÇAIS TOUCHÉ
Le 20 février, près de Tessalit, un hélicoptère français de reconnaissance a été touché par plusieurs balles tirées du sol. Un membre de l’équipage a été blessé. L’appareil a pu se poser, mais la rumeur qu’il avait été abattu n’a pas été longue à se propager jusqu’à Bamako.
Des trois groupes qui forment l’insurrection armée au nord du Mali, aux côtés d’AQMI et du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), Ansar Eddine, dirigé par le chef touareg Iyad ag Ghali, est aujourd’hui le plus visible sur le terrain.
Ses membres se sont réinstallés dans leur zone d’influence traditionnelle au nord de Kidal, près de la frontière algérienne. A Boughassa, depuis le début février, la population a été informée qu’elle devait afficher son soutien ou partir. Quelques familles ont quitté leur village.
Mi-février, selon une source locale, le Cheikh ag Awissa, alias Abou Mohamad, accompagné d’autres cadres d’Ansar Eddine, a réuni la population et indiqué qu’ils conserveraient un profil bas face à Serval, tout en multipliant les opérations.
DISTRIBUTION D’ARGENT À LA POPULATION
Profitant de cette base, Iyad recrute des jeunes et s’approvisionne en franchissant la frontière algérienne. Il tire également profit des tensions tribales locales, notamment entre les Irayakan et les Telkatana de Bilal ag Acherif, pour accentuer son emprise.
Ses alliés d’AQMI, pour leur part, mènent des attaques contre les positions du MNLA aux frontières, comme à Talahandak, ville utilisée pour dissimuler des armes, des véhicules et du matériel, où ils ont tué le chef de poste Ousmane Ag Mahamad, dit Close.
Tinzawaten, côté algérien, l’autre fief d’Ansar Eddine et des autres groupes islamistes, s’avère être une base importante dans le cadre du retour des djihadistes au Mali. Iyad, qui y construirait une maison, y aurait été vu il y a une dizaine de jours avant de repartir vers la Libye. Mais ses lieutenants et sa femme, Anna walet Bicha, y résideraient en permanence. Tinzawaten, côté malien, est en revanche partagé, à l’image de la tribu dominante, les ifargoumissan, entre fidèles du MNLA et d’Ansar Eddine.
Non loin, à Abeybera, Ansar Eddine a décidé, début février, de faire circuler une police islamique et a procédé à la distribution d’argent à la population. A Tassissat, à 30 km au nord ouest de Abeybera, s’était tenue, il y a six mois, la réunion d’AQMI déclenchant la campagne d’assassinat contre les « collaborateurs » des Français.
LE DRAPEAU DU MUJAO
Dans la zone d’Oukenek, vers la mi-février, des djihadistes ont pris contact avec des relais locaux, et installé ce que les services de renseignements qualifient de « postes avancés » à partir desquels des opérations sont menées contre des convois de la Minusma.
Les groupes d’AQMI ont été identifiés à Telakak, à 65 km au sud-est de Tessalit, au nord du massif de l’adrar de Tigharghâr. Ils ont également été vus à Bakasso, à l’est du même massif, où ils avaient construit une mosquée et un château d’eau, pour un cadre touareg qu’ils ont ensuite enlevé à Tessalit et assassiné. La vallée de Dorayat serait l’un de leurs sanctuaires.
Plus à l’ouest, près de Gao, à Djebock, des islamistes du Mujao ont fait irruption, planté leur drapeau et installé des barrages, avant de se replier dans la brousse. Les mêmes avaient tiré des roquettes sur Gao. Au nord de Tombouctou, à Ber, des islamistes ont également mené des actions coups de poing fin 2013.
« L’échec de la stratégie française et internationale est incarné par le retour des djihadistes, estime Moussa ag-Acharatoumane, membre du bureau politique du MNLA. Depuis le début nous disons qu’il ne peut y avoir qu’une solution politique. » Un constat démenti par l’état-major des armées françaises – qui est en train de centraliser au Tchad son commandement régional couvrant notamment le Mali. « Nous avons mis fin à l’organisation industrielle du terrorisme, seules des prises à partie sporadiques demeurent », dit notre source.
Pour Pierre Boilley, spécialiste du Sahel, directeur du Centre d’étude des mondes africains, les djihadistes ont « juste changé d’organisation »« Le plus préoccupant, ajoute-t-il, c’est l’enlisement politique des négociations entre Bamako et les mouvements du nord du Mali, qui favorise le retour des djihadistes ; l’insécurité et le temps jouent aussi en leur faveur ».

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