De Boureima HAMA (AFP) – Il y a 1 jour
DABAGA — "La rébellion touareg n'a rien apporté de bon à notre zone, et les bandits armés et le conflit en Libye l'enfoncent dans la précarité", lâche Tchimaden Ahmed, habitante de Dabaga, une localité du nord désertique du Niger.
A 36 ans, cette mère de huit enfants a l'air d'une veille femme. "Nous vivons comme au Moyen-Age: pas d'électricité, pas de téléphone, pas même un moulin à grains pour nous soulager des pénibles corvées", s'indigne-t-elle, s'exprimant en langue haoussa.
Pour atteindre Dabaga, à seulement une cinquantaine de km d'Agadez, la capitale régionale, il faut affronter près de deux heures la piste accidentée qui serpente sur les flancs des montagnes de l'Aïr, anciens nids de rebelles touareg.
Dès l'entrée de cette commune de 4.000 habitants, un panneau met en garde contre les mines disséminées dans la zone lors de la révolte des Touareg (2007-2009), qui exigeaient une "juste répartition" des revenus de l'uranium extrait dans le nord.
Le jour à peine levé, on se bouscule déjà autour de l'unique puits d'eau potable: femmes et enfants se pressent pour constituer les stocks de quelques jours.
Samedi, c'était jour de marché et les habitants affluaient, à pied comme à dos d'âne, pour ne pas rater la seule occasion dans la semaine de faire des affaires, mais aussi discuter de l'insécurité ou s'informer sur la Libye en guerre, où vivent toujours de nombreux ressortissants de Dabaga.
A côté d'un blindé posté près du marché, une dizaine de soldats armés de kalachnikov fouillent véhicules et passants.
"La présence de l'armée témoigne de la persistance de l'insécurité, entretenue par des ex-rebelles livrés à leur triste sort après avoir déposé les armes", explique à l'AFP Rhissa Mohamed, l'adjoint au maire.
"Trop c'est trop! Les touristes et les ONG ont fui", se lamente Ghoumour Koussou, le chef coutumier de Dabaga, en boubou blanc et turban bleu.
Selon le chef touareg, entouré de sa cour, les mines "entravent" les échanges commerciaux et les déplacements du bétail. Et la menace Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a achevé d'éloigner les Occidentaux, par crainte de nouveaux rapts.
Ellias Maha, qui travaille pour Handicap International, sillonne les campements environnants pour informer les habitants sur les risques d'accidents régulièrement causés par les mines.
"Faites attention où vous mettez les pieds, ne ramassez pas d'objets douteux", lance-t-il en montrant des dessins d'engins mortels. Composé de femmes et d'enfants réunis dans la cour d'une maison, l'auditoire opine.
"Nous vivons avec le danger", observe Mahaman Ghissa, hissé sur un palmier où il récolte des dattes dans une oasis toute proche.
Sous le soleil de plomb, son compagnon, Amoumoune, range des sacs remplis d'oignons, produits en grande quantité dans la région. Mais il se désole de l'effondrement des ventes vers la Libye voisine, grosse consommatrice d'oignons.
"Les exportations sont paralysées vers la Libye, ce qui engendre la chute drastique des recettes", s'alarme le chef Koussou.
Lui-même grand producteur d'oignons, Rhissa Mohamed prévoit que son chiffre d'affaires chutera cette année à seulement 300.000 francs CFA (450 euros), contre "quelques millions" en 2010.
Faute de débouchés, le sac d'oignons est bradé à moins de 5.000 CFA (7,50 euros), quatre fois moins cher que l'an dernier, et les stocks commencent à pourrir dans les entrepôts.
Pour les femmes de Dabaga, le retour des maris de Libye, chassés par les combats, n'est pas seulement un soulagement, mais un souci supplémentaire.
"Mon mari est rentré avec en tout et pour tout un téléphone portable. Je viens de vendre une de mes chèvres pour acheter du lait en poudre et du thé", confie Fatima, mère de six enfants.
Comme si Dabaga n'était pas déjà assez accablé, le chef coutumier a encore une inquiétude: que ces ex-émigrés de Libye, démunis, "ne grossissent les rangs des bandits armés".
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