La fleur du mal
En un instant, tout a basculé, tout est bousculé. Les cartes ont été ramassées, brassées et redistribuées. L’équilibre ancien a été balayé et relégué au rend de l’histoire. Rien ne sera plus comme avant ; rien n’est plus comme avant. Les nations comptent une petite sœur de plus, une sœur de valeur. Elle s’est levée et a crié haut et clair à la face du monde son nom et son existence : « Nous, Peuple de l’Azawad (…) Proclamons irrévocablement, l’état indépendant de l’Azawad à compter de ce jour vendredi 6 avril 2012 ».
La bonne nouvelle de cette heureuse naissance s’est faite entendre partout sur le dos de la Terre et jusqu’en Europe, 55 rue du Faubourg Saint-honoré, Paris 8ème, France, première étage droite, dans un bureau qui, avant, bien avant la venue de cette petite dernière, avait décidé de multiples avortements et mesures contraceptives pour empêcher sa naissance. Rien n’y fit. Rien, mais alors rien de rien. Le vouloir-vivre, la force de cette nature l’a emporté : la nation azawadienne est née ! Mabrouk !
Peu de pays ont salué cet heureux événement… une naissance est pourtant toujours un heureux événement. Chaque nouvelle nation porte en elle l’avenir d’une Humanité et incarne des valeurs qui fondent la condition de l’Homme : la liberté, la tolérance, l’amour,… et l’Azawad est précisément fille de la liberté et du droit. N’importe ! Son peuple, et c’est ce qui compte, s’est félicité des jours durant de cette naissance, ou plutôt renaissance. Enfin ! Cent cinquante ans de colonisation après…
A l’annonce de la nouvelle, les murs du Palais de l’Elysée ont tremblé ce vendredi 6 avril 2012, mais pas seulement. Ceux du Palais de Koulouba et du Palais d’El Mouradia aussi. Avec morgue et suffisance, les locataires de ces vastes demeures se sont jurés de tout faire pour détruire cet enfant qu’ils estiment illégitime. Quels ascendants peuvent pourtant être plus nobles que la liberté et le droit ?
Les tikarkawaten sont restées longtemps cachées derrière des porteurs de bardes, de très longues barbes et de pantalons très courts. Sûres de leur force et croyant que l’avenir de cette jeune nation leur appartenait, elles ont tout fait pour l’empêcher de grandir. Mais rien n’y fit. Rien, mais alors rien de rien. La petite nation a grandi, grandi, grandi… jusqu’à s’imposer partout comme une évidence. Grâce à elle, on ne dit plus, « je suis malien », mais bien « je suis azawadien ».
Depuis sa naissance, elle n’a connu que l’adversité. Rien ne lui a été épargné, rien, mais alors rien de rien. Courageuse et fière de ses origines, elle regarde le mal droit dans les yeux et lui dit : « Nous venons de renaître et ne craignons plus rien ! Continue… tu ne nous fais pas mal. Nous connaissons trop la souffrance pour la craindre. Continue si tu veux à nous faire mal… mais tu n’atteindras jamais le cœur des Azawadiens ! »