mercredi 29 juin 2011

Tinariwen à Jazz-Festival

Samedi 2 juilletDimanche 3 juillet
Les concerts se dérouleront en alternance sous deux chapiteaux.
Les organisateurs se réservent le droit de modifier le programme et l'horaire si nécessaire.

Sahel, un découpage au cordeau et des pays dans le flou

mercredi 29 juin 2011

La problématique des frontières héritée de la colonisation empoisonne l'Afrique sahélienne depuis plus d'un siècle.

Sahel, by Fiseha Hailemichael via Flickr CC
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A l'occasion de la diffusion ce soir à 20h40 sur ARTE du documentaireBerlin1885 : la ruée sur l'Afrique, Slate Afrique s'associe à la chaîne franco-allemande et publie un dossier sur les frontières héritées de la conférence de Berlin. Trois écrivains et journalistes du continent analysent leur impact sur la vie des Africains.
***
Bordj Badji Mohktar, BBM pour les intimes, petite agglomération grillée sur la tranche, plantée en plein désert du Tanezrouft, l'un des plus arides du monde et qui s'étend sur près d'un million de kilomètres carrés.
Dans cet océan pierreux, plateau désolé d'être là, un long trait virtuel, rectiligne sur près de 1.500 kilomètres. Cette représentation virtuelle est la frontière qui sépare l'Algérie du Mali, de l'arbitraire pur.
De l'autre côté, à l'Est, un autre trait, tout aussi rectiligne, une droite parfaite de 1.000 kilomètres qui fait office de frontière entre l'Algérie et le Niger. Là aussi, le trait arbitraire censé délimiter les deux pays ne correspond à aucune frontière naturelle, ethnique ou géographique.
Au milieu, Tin Zouaten et Timiaouine, deux anciens campements nomades touaregs, devenus des communes, et… une bosse, qui fait office de triple frontière Algérie-Mali-Niger, contraste avec l'aspect géométrie euclidienne de l'ensemble.
Ici, il y a de l'eau, et la France, ex-puissance coloniale, avait dérogé à la règle des lignes droites pour intégrer la zone en Algérie. A part ces quelques cas particuliers, dans la région c'est le double décimètre posé sur une carte à l'échelle du 1/10.000e qui a tout réglé. Entre le Mali et la Mauritanie, deux droites, parfaites, qui forment un absurde angle droit, parfait, lui aussi, 90°. Entre le Sahara Occidental et la Mauritanie, un escalier, trois marches presque parfaites à angle droit, 90°
On ne retrouve quelques frontières naturelles que plus au Sud, en Afrique de l'Ouest, ou au Nord, entre l'Algérie et le Maroc, où la frontière entre les deux pays, toujours pas ratifiée, suit une longue vallée naturelle encadrée par de hautes montagnes. Vous avez dit frontières?
Il faut bien différencier les frontières internes, à l'intérieur d'un territoire d'une puissance européenne, rectilignes et sans état d'âmes, des frontières externes qui séparent les empires coloniaux, sinueuses, à l'image de l'esprit des régents de l'époque, rois et empereurs blancs, dont il fallut ménager les susceptibilités par des courbes plutôt que des droites.

Les murs de Berlin

Au XIXe siècle, l'éthique est encore au placard, et les Européens se disputent le territoire africain comme des gangs s'affrontent dans les rues pour le contrôle des espaces et des commerces. Sur l'idée du Portugal, qui voit ses territoires se réduire devant l'appétit grandissant de ses voisins, est initiée la Conférence de Berlin, fin 1884.
13 pays européens, dont la Turquie, participent à cette grande réunion à laquelle s'invitent symboliquement les Etats-Unis, en pleine formation. Aucun africain, dirigeant ou représentant des nombreux empires du continent n'est invité, et le maître de cérémonie, Otto Von Bismark, annonce l'ordre du jour: le partage de l'Afrique et de ses ressources naturelles entre les différentes puissances coloniales.
Mais aussi entre personnalités physiques, comme le Roi Léopold II, qui se voit attribuer en son nom propre 2,5 millions de kilomètres carrés qui deviendront le Congo, et ne reviendront à la Belgique qu'en 1908.
Cette conférence, qui a duré trois mois, n'a pourtant pas tout réglé puisque des conflits ont éclaté par la suite entre les puissances colonisatrices. Car la conférence de Berlin n'a réussi finalement qu'à fixer les règles du partage du butin et éviter ainsi les pillages sur les territoires des voisins, et non un partage égal, juste et éternel.
La situation en reste néanmoins là, par ce découpage du gâteau mou aux pépites de chocolat noir, et le dépeçage se poursuivit pendant presque un siècle. La décolonisation et les indépendances africaines des années 60 ne bousculèrent pas les frontières et engendrèrent de nombreux conflits ethniques, revendications territoriales et guerres de voisinage.
L'Union africaine, (ex-Organisation de l'unité africaine, OUA, qui a vu le jour à Addis Abeba, en Ethiopie) pose un postulat fondamental dès 1964: ne plus remettre en question les frontières héritées de la colonisation, pour éviter les guerres. Cet axe primordial de la politique africaine n'a pas non plus tout réglé et les guerres ne se sont pas arrêtées pour autant; plusieurs conflits éclatent, qui menacent l'existence même de l'organisation panafricaine. Jusqu'à aujourd'hui, où la partition du Soudan, sous la pression américaine, en est le plus récent exemple.

L'enfermement extérieur

Découper les frontières africaines aux ciseaux, ou bien lier les sous-ensembles avec du scotch? Des décennies après la première conférence de l'Union africaine, plus d'un siècle après la conférence de Berlin, deux thèses s'affrontent toujours.
D'abord, le fédéralisme: des Etats-Unis d'Afrique redécoupés par des frontières plus naturelles, linguistiques, ethniques ou géographiques. Ensuite, l'Afrique des Nations: ensemble d'Etats forts réunis sous l'égide de l'Union africaine, avec des frontières intangibles, issues de la décolonisation. La difficulté est toujours d'actualité, celle des Etats-nations à se former et de la fixation identitaire à devenir un axe de réflexion pour la répartition spatiale.
En dehors des conflits et des nombreuses frontières non encore ratifiées, le résultat est là; un flou guerrier, un trafic important aux frontières, carburant, drogues ou denrées alimentaires, peut-être bénéfique mais souvent sanglant, et qui profite des liens tribaux qui unissent diverses entités postées en travers des limites des pays.
Mais surtout les guerres, régulières entre Touaregs et gouvernement central malien ou nigérien par exemple, et depuis quelques années l'imbroglio sahélien, où les groupes terroristes passent les frontières comme on enfreint des lois, en profitant de l'absence d'homogénéisation des régimes de la région.
Point positif: nombreux sont les peuples qui vivent à cheval sur des frontières et qui possèdent trois voire quatre nationalités, à l'image des Touaregs qui nomadisent —en 4X4— sur plusieurs territoires tels leurs ancêtres, mais avec des cartes d'identité malienne, nigérienne et algérienne. Quel effet de passer sur ce trait rectiligne en plein désert du Tanezrouft, ligne droite absurde qui fait office de frontière virtuelle; sans barbelés, mur ou borne?
De l'avis général, rien. Il n'y a d'ailleurs rien, si ce n'est qu'il faut mettre la main à l'autre poche, pour exhiber dans le cas d'un contrôle la carte d'identité correspondante. Berlin, c'est loin; les frontières, c'est flou.
En 1991, à Abuja (capitale du Nigeria), le sommet de l’OUA avait créé la Communauté économique africaine. Avec une extrême prudence, les rédacteurs du traité avaient fixé une période de… 34 années pour parvenir à l’intégration économique du continent. L'Afrique a encore le temps —et l'espace.
Chawki Amari

mardi 28 juin 2011

Comment la guerre en Libye peut-elle se finir ?



Malgré les efforts des insurgés libyens et plus de 100 jours de frappes aériennes menées par l'Otan sous l'autorité d'un tandem franco-britannique, la guerre engagée pour faire tomber Mouammar Kadhafi n'a pas encore été couronnée de succès.
Et les messages envoyés au dictateur, en vue de trouver une solution « honorable » à la crise, n'ont pas non plus donné de résultat…
La situation est devenue plus compliquée encore avec le mandat d'arrêt international délivré lundi par la Cour de justice internationale contre le dictateur Libyen, pour crime contre l'humanité. Kadhafi sait en effet désormais ce qui l'attend s'il perd la guerre…

1Où en sont les insurgés ?

Il semble que les insurgés, depuis leur première victoire à Benghazi, gagnent lentement du terrain, très lentement. Syrte semble très difficile à prendre. Le but est de prendre en tenailles Tripoli, où se trouve le pouvoir Libyen. Lorsqu'il y aura une « masse critique » de combattants autour de la capitale, une offensive sera possible.

► Tripoli en tenailles

  • A l'Est, le port de Misrata
Les habitants ont réussi à reprendre leur ville aux forces loyalistes, avec l'aide d'armements français fournis par bateaux par le Qatar et les Emirats arabes unis. Ces armes ont transité par Benghazi, port tenu par les insurgés, plus à l'Est.
Insurgés et loyalistes se partagent diverses localités de la chaîne de montagnes située au sud de Tripoli, une région berbère. Mais les premiers gagnent du terrain. Ils sont aidés par des parachutages d'armes par des avions français : des mortiers, des missiles anti-chars Milan notamment (mais aucune arme anti-aérienne : on ne sait jamais dans quels mains termineront ces équipements…).
La ville-clé qui reste à prendre est Garyan, où les forces Kadhafistes sont retranchées.
► Le nerf de la guerre : Brega
Le port pétrolier de Brega est stratégique, car c'est la zone pétrolifère de la Libye. Une fois que les insurgés le tiendront, ils n'auront plus de mal à financer leur guerre.
L'Otan bombarde avec constance les forces de Kadhafi, qui avaient réussi à tenir Brega depuis le mois d'avril. Il semble que le vent tourne, et que Brega soit sur le point de tomber.
► Des problèmes de coordination
Les opérations sont menées par des chefs de guerre de clans différents, qui ne se coordonnent pas, ou très peu. Les conseillers technoques dépêchés par les pays de l'Otan ne semblent pas d'une grande aide.
Selon une source française, leur capacité de frappe « pourrait être multipliée par trois, quatre ou cinq s'il existait une meilleure coordination ».

2Tripoli peut-elle tenir ? 

Le problème de Mouammar Kadhafi, ce ne sont pas les armes : elles regorgent en Libye. « Son problème, c'est l'essence et la nourriture », commente une source française qui suit de près les opérations. Selon cette source, les soldats au service de Kadhafi, qui sont souvent des mercenaires, auraient actuellement « le moral dans les chaussettes » face aux pénuries d'essence et de nourriture.
Les insurgés des montagnes de Nafoussa auraient réussi à couper le pipeline reliant Tripoli à une raffinerie controlée par des loyalistes près de Zouïa, selon le journal The National, d'Abou Dabi.
Or, aucune arme, aucun stock de munition n'ont d'utilité si l'on ne peut les déplacer… C'est à cause d'une pénurie de carburant que les forces de l'Axe ont perdu la guerre en Libye contre les Anglais en 1942.
Selon la correspondante du Figaro, des files de voitures, pouvant dépasser un kilomètre, se forment devant les stations d'essence. Les insurgés tiennent en effet les raffineries de l'est du pays. Elle constate également que « l'achat de pain relève d'un véritable parcours du combattant ».

3Kadhafi peut-il négocier sa sortie ?

La France et la Grande-Bretagne ont envoyé des messages pour amener le dictateur à quitter le pays. En vain. Dimanche, lors de l'émission « RTL-Le Figaro-LCI », le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé assurait que la recherche d'une solution politique « avançait » en Libye. Les alliés n'ont qu'une exigence : le départ du dictateur.
Mais le mandat d'arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI) complique les choses. Si Kadhafi décide de quitter le pouvoir, il devra trouver refuge dans un pays qui n'a pas ratifié de la Convention de Rome du 17 juillet 1998 : Soudan, Venezuela (on n'ose citer la Chine ou les Etats-Unis…). Ce qui rétrécit ses choix…

Amin Maalouf : "Succéder à Lévi-Strauss est très stimulant !"

Jeune Afrique
28/06/2011 à 17h:33 Par Renaud de Rochebrune
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Amin Maalouf a été élu le 23 juin à l'Académie française.Amin Maalouf a été élu le 23 juin à l'Académie française. © Vincent Fournier/J.A.
L’écrivain d’origine libanaise Amin Maalouf a été élu, le 23 juin, à la prestigieuse Académie française. Jeune Afrique a recueilli ses premières impressions à chaud, quelques heures après cette consécration.
Une élection de sénateur ! C’est au premier tour, avec dix-sept voix contre trois à son seul véritable concurrent, le philosophe Yves Michaud, que l’écrivain d’origine libanaise Amin Maalouf, un ancien de Jeune Afrique, a été élu le 23 juin à l’Académie française. Au fauteuil – s’il vous plaît ! – de l’illustre ethnologue Claude Lévi-Strauss. Ainsi, après avoir reçu le prix Goncourt en 1993 pour son roman Le Rocher de Tanios, l’auteur des Croisades vues par les Arabes (1983) et de Léon l’Africain (1986) rejoint-il le petit cercle prestigieux des quarante immortels.
Voici ses premières impressions, recueillies à chaud quelques heures seulement après cette consécration qu’il a vécue dans les locaux des éditions Grasset. Et qui, manifestement, l’a ravi, l’emportant, selon ses propres termes, dans « un tourbillon de lumière ».
Jeune Afrique : Pourquoi avoir voulu rejoindre l’Académie ?
Amin Maalouf : Cela fait sens, évidemment, pour quelqu’un qui consacre sa vie à l’écriture ! Et c’est une institution sans équivalent. J’aime sa pérennité, sa tradition, sa longue histoire. Et ses rituels. Les rituels sont importants à mes yeux. C’est surtout un lieu qui maintient la solennité de la culture. Laquelle, surtout aujourd’hui et particulièrement en France, a besoin d’être défendue.
L’Académie, disent ses critiques, c’est un repaire de vieux…
Mais je n’ai rien contre les vieux  ! Jacqueline de Romilly, une grande amie, qui aurait été très contente, je le sais, de me voir la rejoindre à l’Académie, avait 97 ans quand elle a disparu tout récemment. Et elle me paraissait très jeune.
Qu’est-ce qui vous rattache à l’histoire de l’Académie ou aux académiciens ?
Il y a beaucoup de moments très beaux dans l’histoire de l’Académie. En particulier quand elle n’a pas manqué de courage à des moments importants face au pouvoir, à sa façon subtile. Que ce soit face à Louis XIV, à Colbert, à Napoléon III et même sous l’occupation allemande. Et il y a beaucoup de noms prestigieux parmi les académiciens. Me vient facilement à l’esprit celui d’Ernest Renan, qui a été une grande figure au Liban et qui a occupé le siège qui m’est destiné. Ou de Senghor, bien sûr, que j’ai pu connaître personnellement et dont l’entrée à l’Académie avait eu de l’importance à mes yeux.
Occuper le fauteuil de Lévi-Strauss, cela revêt-il une signification particulière ?
C’est très stimulant. Et très intimidant. Quand je faisais mes études, en sociologie, il était au programme dès la première année ! Pour préparer mon discours de réception, je vais devoir passer un long moment avec ses livres et essayer de tenir un certain niveau. Et puis, maintenant que je me prépare à occuper son siège, je compte bien défendre sa mémoire et son œuvre. Mais ses travaux me parlent immédiatement car j’en partage l’inspiration profonde, celle qui consiste à défendre l’égale dignité de toutes les civilisations.
Cette élection va changer votre vie, votre travail… Cela met-il en danger vos projets d’écriture, comme l’ouvrage sur les changements actuels dans le monde arabe que vous aviez en projet ?
Je vais sûrement devoir m’organiser autrement, être plus souvent à Paris, quasiment toute l’année, puisque j’ai bien l’intention de participer sérieusement aux travaux de l’Académie. Mais je ne vais pas renoncer à écrire. Surtout ce livre dont vous parlez et que je compte bien finir de rédiger cet été


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